Le vice-amiral (2S) Cluzel qui commandait le groupe aéronaval articulé autour du Charles-de-Gaulle (CTF 50) pendant l'opération Héraclès – participation française à Enduring Freedom – examine les nombreux problèmes d'« interopérabilité », l'un des grands enseignements de cette opération.
Quelle interopérabilité, pour quelle opération ?
Nous conviendrons que « l’interopérabilité » caractérise la capacité qu’ont deux systèmes, quelle que soit leur complexité technique ou humaine, et quelle que soit leur origine respective, à produire en commun, en harmonie et en pleine synergie, les effets ou objets recherchés et définis par leurs maîtres d’œuvre respectifs.
Certains exemples d’interopérabilité nous semblent aller de soi ; leur contre-exemple de rupture montre à quel point ce choix de l’interopérabilité résulte d’un compromis entre le souhait de savoir tirer profit d’un plus vaste système, avec le devoir d’y apporter sa propre contribution, et le souci de maintenir, aussi loin que possible, son indépendance ou son autarcie au sein de son propre métasystème.
Il en est ainsi par exemple de l’écartement des voies de chemin de fer, des prises électriques ou des caractéristiques du courant distribué : les arguments techniques avancés par les tenants de telle ou telle norme deviennent contestables lorsqu’ils rencontrent l’indifférence, voire le refus politique de la communauté de service. À l’inverse, la plupart des normes techniques reconnues internationalement deviennent structurantes : sans parler des normes de télécommunication, les dimensions des écluses du canal de Panama s’imposent à la construction navale et le gabarit européen des tunnels à l’industrie ferroviaire, mais aussi aux objets qu’elle transporte. Sans doute, à l’époque où se mettaient en place ces infrastructures, les états-majors ont-ils composé avec l’élan du négoce, escomptant bien utiliser les infrastructures adverses pour leur propre compte, ce qui fut le cas au cours des trois guerres franco-allemandes…
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