L'Angleterre – celle des manuels d'histoire – et la France sont bien deux soeurs, opposées par d'interminables rivalités, mais, paradoxalement, indissolublement liées par leur permanente confrontation. Aujourd'hui l'Angleterre, après de longues aventures dans le grand large, est de retour en Europe ; la voici à nouveau petite île. Or cette Angleterre est très précieuse pour l'Europe. Qu'il s'agisse du régime parlementaire, de la révolution industrielle ou de l'adaptation à la mondialisation, elle est comme un laboratoire, osant la première poser des questions délicates : ainsi l'État-providence doit-il et peut-il survivre à la multiplication sans précédent des flux planétaires ? L'Angleterre apporte beaucoup à l'Europe, en particulier son sens aigu des réalités géopolitiques. Alors la France doit continuer de tout faire pour mieux insérer son partenaire d'outre-Manche dans l'édification de l'Union européenne et, à terme, asseoir un triangle Paris-Berlin-Londres.
Politique et diplomatie - God Save Britain
Chère Angleterre,
Pour un Français, il n’est pas aisé de t’aimer. Ce dont il s’agit ici, ce n’est ni du Royaume-Uni, ni de la Grande-Bretagne, mais de toi, Angleterre, cette puissance mythique des manuels d’histoire diplomatique, terre bénie de Shakespeare et de Churchill, de Margaret Thatcher et de Tony Blair.
Histoire de deux sœurs
La France et toi êtes comme deux sœurs siamoises, prenant forme en même temps en Normandie, en Anjou, en Aquitaine. Votre séparation, douloureuse, s’étale sur trois siècles, avec deux guerres dites de Cent Ans (1159-1299 puis 1337-1453). Finalement la France, en te chassant du continent, te donne ta chance. Ton avenir — immense — est sur les mers. Trois siècles plus tard, ta revanche est éclatante, lors de l’affrontement planétaire franco-anglais du XVIIIe siècle. À l’issue de la guerre de Sept Ans (1756-1763), tu triomphes. La France perd son premier empire colonial : Indes et surtout Canada, cette Amérique du Nord où se joue l’avenir du monde. La France, emprisonnée en Europe, ne sera plus vraiment à égalité avec toi. Toi, tu as compris l’importance décisive du grand large et tu en deviens la maîtresse. Dans les années 1775-1783, Louis XVI et Vergennes, lorsqu’ils soutiennent la lutte pour l’indépendance des Treize Colonies contre toi, sont conscients de se battre pour la jeune République américaine, qui, viscéralement, culturellement, est ta fille. Napoléon peut gagner des dizaines de batailles, il ne peut pas briser l’encerclement du continent par ta flotte. En 1815, tu l’emportes à nouveau, confirmant, pour la France, le désastre de 1763.
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