La Charîa et l'Occident
Tout livre de Jean-Paul Charnay, maître en nombreuses disciplines, doit se lire avec attention. Le titre cerne bien l’objet de celui-ci, la charîa sans doute, mais dans son rapport à l’Occident. C’est de cette confrontation que provient, observation pathétique, « cette difficulté d’être qui étreint tant de musulmans ».
En bon universitaire, Jean-Paul Charnay commence par définir, et fort simplement. La charîa, c’est l’ensemble des prescriptions à respecter pour assurer son salut dans l’au-delà. Qui donc prescrit, et prescrit quoi ? Réponse encore simple : le Coran, parole divine, et la Sunna, recueil copieux des actes et dits du Prophète. S’y ajoutent deux concepts flous, objets de discussion : l’ijmâ’ ou consensus des musulmans (mais lesquels ?), et l’ijtihâd ou effort de jugement (mais qui est habilité à juger ?). En vérité, seul le Coran est indiscutable, verbe de Dieu fort encombrant, fondement d’une « logocratie » tyrannique… et appauvrissante : « Le Coran finit par cacher Dieu vivant ».
La modernité, et le contact de nombreux musulmans avec l’Occident, mettent la logocratie à l’épreuve. Pour le musulman en France (et ailleurs en Europe), c’est ce que Jean-Paul Charnay appelle « l’islamité sociale » qui fait problème : le statut familial et successoral. Accepter de se soumettre à un droit non musulman, c’est, pour un croyant conséquent, une manière d’apostasie. Cette incompatibilité fait le miel des imams, dont le magistère, normalement bénin, s’étend à la mesure des scrupules de leurs ouailles.
Le « mal-être » ressenti oblige à plus de réflexion. La solution, évidente pour l’observateur extérieur, serait de reconnaître l’historicité du Coran et de l’adapter au siècle où nous sommes. Mais, et voilà le hic, ce dépoussiérage se heurte à la perfection de la révélation divine, d’où résulte le pessimisme de l’auteur sur les chances d’un aggiornamento pourtant nécessaire. Les amis de l’islam s’appliquent à promouvoir ce que Jean-Paul Charnay appelle « l’islam apaisant de l’Unesco », occultant ce qui choque, et d’abord le vrai jihâd. Parlant aux Occidentaux, des musulmans semblent pencher vers les valeurs chrétiennes. La dernière phrase du livre balaie ces faux-semblants : « C’est à l’intérieur même de l’islam que retentit le choc des civilisations ». ♦