Organisation juive de combat
De nombreux Juifs de France ont combattu dans la France Libre et dans les divers mouvements de la Résistance française, pendant la Seconde Guerre mondiale.
Il y eut aussi, en France comme dans d’autres pays européens, une résistance spécifiquement juive, organisée pour sauver des Juifs de la déportation et de la mort. Pour des raisons que Jacques Chirac a appelées « évidentes » en 1984, lors de la célébration, à Jérusalem, de la libération de Paris : « À la guerre menée par les hitlériens s’ajoutait une forme particulière de guerre, mais nazie contre les Juifs. À cette forme de guerre spécifique devait répondre une action spécifique. En effet si les enfants français subissaient les contraintes, le rationnement, les privations, ce sont les enfants juifs qui étaient désignés pour la déportation. Si l’ensemble des Français étaient menacés par la terreur des hitlériens et leurs collaborateurs français, les Juifs étaient placés sous la menace permanente des camps de déportation ».
« Il fallait donc répondre à ces défis », note Eyran Guinat, président des Anciens de la Résistance juive de France en Israël, « et s’organiser pour combattre un ennemi bien supérieur en nombre, en équipement et en moyens d’action ».
Ces textes, avec d’autres messages, notamment de Jean Mattéoli, président de la Fondation de la Résistance, de Georges Loinger, président de l’ARJF en France, de Jacques Lazarus, d’Elie Wiesel, de Serge Klarsfeld, introduisent un livre-mémorial : Organisation juive de combat qui décrit ce que firent et qui furent ces combattants de l’ombre qui ont permis le sauvetage de milliers de Juifs en France.
L’historienne israélienne Tsilla Hersko relate la genèse et l’action de la dizaine de réseaux solidement structurés, qui ont agi à la fois séparément et le plus souvent en synergie.
Le Mouvement de la jeunesse sioniste (MJS), créé en 1942, s’était spécialisé dans la fabrication de faux papiers d’identité, leur fourniture aux Juifs vivant cachés et le recrutement des complicités dans l’administration française, dont certains fonctionnaires ont ainsi compensé la collaboration avec Vichy par leur contribution au sauvetage de Juifs.
Le « Sixième » des Éclaireurs Israélites de France (EIF) avait une activité « faux papiers » similaire et a regroupé de nombreux jeunes dans ses fermes-écoles.
L’Organisation de secours aux enfants (OSE) a sauvé de nombreux enfants de la déportation, en les « camouflant » en France et en les convoyant vers la Suisse, parfois vers l’Espagne.
L’Armée juive-Organisation juive de combat (AJ-OJC), a formé des groupes armés spécialisés dans la traque de dénonciateurs de Juifs et a constitué des maquis qui ont participé à la libération de plusieurs villes, etc.
Il n’existait pas de véritable cloison étanche entre les réseaux. Des résistants de l’un ou de l’autre groupe transitaient d’une ville à l’autre, et de « l’Éducation physique » (l’industrie des faux papiers) au convoyage aux frontières ou à la lutte armée.
Ce combat multiforme présentait plusieurs originalités. Il se doublait d’une action culturelle. Des conférences (notamment de « palestinographie ») alternaient avec le maniement d’armes. Le caractère sioniste de divers réseaux était fortement marqué, même en dehors du MJS proprement dit. Le village de la Montagne Noire « prit le nom de peloton Trumpeldor, en hommage au héros sioniste, ancien officier de l’armée tsariste, qui avait trouvé la mort en 1920 en défendant la colonie de Tel-Haï en Galilée ».
Ces particularismes expliquent qu’à la libération de la France, la résistance juive française ne s’est pas terminée pour nombre de ses militants. L’historien Lucien Lazare, membre d’une commission du mémorial Yad Vachem de Jérusalem, a noté, en conclusion de son introduction générale de l’ouvrage : « Après la guerre, les résistants des réseaux juifs ont pris part de manière décisive à la réanimation de la communauté juive, naguère moribonde. Ils ont par là même suscité un fort courant de militantisme sioniste inédit en France. Des combattants de la Résistance juive ont participé à la fondation de l’État d’Israël, à l’accueil des réfugiés juifs d’Europe et des terres d’Islam et à la lutte armée contre l’agression des forces arabes. Ces actions représentaient pour eux la poursuite et l’épanouissement du combat pour la survie engagé en France ».
Ce combat avait été précédemment décrit dans divers ouvrages, dont : Juifs au combat de Jacques Lazarus et La résistance juive en France de David Knout (Éditions du Centre, 1947) ; La résistance juive en France d’Anny Latour (Stock, 1970), etc.
Organisation juive de combat apporte plus de 550 notices biographiques (couvrant 300 pages), qui fournissent des données, largement inédites, sur la vie — et souvent le sacrifice — de ces lutteurs clandestins dont l’action individuelle et collective est insuffisamment connue, et pratiquement passée sous silence par les ouvrages généraux sur la résistance de Français aux nazis.
La réunion de ces données, leur contrôle et la publication du livre-mémorial ont été assurés par Georges Loinger et par deux membres de l’ARJF, Jean Brauman et Frida Wattenberg. ♦