Rapporteur de guerre
Sur les traces de son père Jean-François Chauvel, grand reporter au service étranger du Figaro, Patrick Chauvel nous livre son expérience de rapporteur de guerre au service du photojournalisme. Depuis trente-cinq ans, de la guerre des Six-Jours en 1967 à la Tchétchénie en 1994, il a couvert les conflits du XXe siècle (le Vietnam, le Cambodge, l’Irlande, l’Érythrée, le Liban, l’Iran, Panama…).
Ce livre rend hommage aux journalistes qui risquent leur vie, sur le terrain, pour ramener l’information. Passionnés d’aventure, ils vivent avant tout pour leur métier ; l’appât du gain et la recherche de la notoriété y sont considérés comme des tares ! « Dans ce métier, pas de place pour les touristes. On n’a pas le droit d’être mauvais. Les gens qui nous confient leurs images nous confient leurs âmes ». Évidemment, la vie familiale en subit les conséquences.
Baroudeur de l’image, Patrick Chauvel est entré, comme ses aînés qu’il respectait, dans la lignée des grands reporters. « Témoin de la misère et de la grandeur de l’homme, et de son incroyable cruauté », il nous entraîne dans la guerre, au plus près de l’actualité, nous faisant partager ses émotions quand il côtoie ceux qui souffrent et ceux qui meurent ; lui-même, bien sûr, en s’approchant si près du feu, a été blessé, frôlant la mort à maintes reprises.
Il se pose souvent des questions sur le journalisme et son éthique. En Iran, après le lynchage d’un général par la population : « Je ne sais pas si mes photos servent à quelque chose, mais ne pas en faire, c’est certain, ne sert à rien » ; en Irlande « manipulés, pris entre deux feux, les journalistes se retrouvent dans une situation difficile : s’ils quittent les lieux, ils ne jouent pas leur rôle de témoin ; s’ils restent, ils risquent de provoquer l’événement ».
Quelques anecdotes agrémentent ses récits de guerre. Retenons celle concernant son guide d’Haïti, Ti-Jean, qui fait partie des 80 % de pauvres de la population de l’île : « Un matin n’y tenant plus, je lui ai acheté des baskets neuves. Il était très content, mais cela l’a transformé. Cet homme si bon s’est mis à mépriser ceux qui n’avaient même pas de chaussures. Il était devenu un autre. C’était un propriétaire – de baskets, certes, mais propriétaire tout de même. Les baskets avaient effacé une partie de son humanité. Je décidai donc de retarder le moment d’un tee-shirt neuf, qui l’aurait peut-être transformé en dictateur ».
« Faire des photos, critiquer, raconter, témoigner avec sa sensibilité », Patrick Chauvel a écrit son histoire pour que la jeune génération de journalistes qui lui succèdent comprenne aussi que ce « beau » métier, parfois difficile et dangereux, est un métier à responsabilités : « Faut-il tout montrer ? À qui ? Pour qui ? Pourquoi ? » ; « On lançait des images horribles comme on lance un obus. Le problème, c’est que le canon c’était moi, le photographe ».
« Heureusement, il y a l’espoir de pouvoir changer le cours des choses ». « C’est peut-être la raison d’être de mon métier, faire comprendre qu’il y a des problèmes graves ailleurs ». « Je ne veux plus jamais entendre, on ne savait pas » ! ♦