Carnet de route d'une promotion de Saint-Cyr, 1962-2002
Le bicentenaire de l’école de Saint-Cyr est l’occasion, pour les membres des promotions anciennes, de se pencher sur la carrière qu’ils ont vécue. C’est ce que font ceux de la « 149e » et le résultat est ce superbe album, qui réunit quelque 170 témoignages et près de 500 documents photographiques. Baptisée du nom d’un autre centenaire, celui de Camerone, cette promotion est entrée à l’école en 1962, au moment même où notre gouvernement mettait fin à la dernière des guerres proprement françaises. Moins chargés de gloire que leurs aînés, les officiers modestes de la Camerone n’ont pourtant pas chômé et leurs expériences seront plus directement utiles à leurs successeurs.
En 1962, dans les classes préparatoires, les « cornichons » (il existait alors 21 « corniches » en France !) relayaient les passions et les rancœurs des partisans déçus de l’Algérie française. Il fallut deux ans dans l’austère Coëtquidan pour apaiser cela en apprenant le métier. En cet heureux temps, note l’un des Cyrards nouveaux, aucun cours n’était donné sur le rôle de l’officier et la façon de commander ; sans doute eût-on jugé impudique, ou simplement saugrenu, de discourir sur un sujet que la pédagogie rude et discrète des anciens suffisait à cerner.
Quelques années de lieutenant et voici, pour les capitaines, le temps de commandement : enfin le vrai boulot où, à ce grade, les préoccupations politico-stratégiques tiennent peu de place. La « politicaille », pourtant, rattrapera la promo, qui vivra les deux crises, l’une, nationale, en mai 68, l’autre, militaire, avec le « malaise de l’armée » en 1974. C’est à la fin des années 80 que les officiers de la Camerone auront à commander des régiments, avant d’être, pour les plus avancés d’entre eux, les acteurs de la réorganisation de l’Armée de terre et de sa professionnalisation.
Voilà pour la chronologie. La géographie est vaste et chaotique qui, guerre ou pas, verra ces officiers dans tous les points chauds : au Sahara occidental, à Djibouti, aux Comores, au Tchad, au Liban, dans le Golfe, à Kolwezi, en Yougoslavie et dans les deux théâtres les plus funestes des années onusiennes, la Somalie et le Rwanda. Dans sa préface, Jean-François Deniau expose, avec l’autorité que lui confère son propre engagement, les difficultés, les ambiguïtés et les risques de cet « autre monde » dans lequel la promotion Camerone est entrée. Leurs successeurs y sont à leur tour. Les officiers de la 149e promotion leur souhaitent bonne chance. ♦