Allocution du Premier ministre, le 16 octobre 2003, lors de l’ouverture de la session annuelle de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN).
Politique de défense et de sécurité
Une France des sécurités et d’ouverture
Une politique délibérée pour libérer la France de ses insécurités
Nos sociétés occidentales sont devenues plus vulnérables : les Français ont manifesté il y a 18 mois un réel besoin de sécurité.
Ils doivent faire face à l’accélération des temps et à la mondialisation qui créent des incertitudes physiques, économiques, sociales, psychologiques et culturelles, incertitude pour l’emploi, incertitude sur les valeurs, incertitude surtout sur les repères et la crainte de se voir, un jour ou l’autre, laissés au bord du chemin.
Dans ces conditions, un clivage important se manifeste entre ceux qui souhaitent s’ouvrir, qui en ont les moyens et qui ont confiance en cette perspective, et ceux qui se réfugient dans le repli et voient l’ouverture comme une menace.
Les vulnérabilités tiennent également à l’évolution de la société internationale. À l’intérieur ou à côté des États, des groupes ont choisi le mode d’action le plus extrême : le terrorisme. Le terrorisme et la prolifération restent les ennemis de tous les peuples qui aiment et qui veulent la paix. Ils peuvent se nourrir du terreau que représentent les déshérités du progrès, les laissés-pour-compte de nos sociétés ou bien utiliser le levier de la renaissance des nationalismes, des extrémismes religieux, des affrontements communautaires.
Dans ce contexte, face à cette demande démocratique, nous avons engagé un grand mouvement de réformes dont l’objectif est de libérer la France de ses insécurités, la France qui sait faire entendre sa voix dans le monde quand elle porte les valeurs universelles de son histoire.
Pour une France d’ouverture
Les attentes de nos concitoyens ne se limitent pas à ce besoin de sécurité. Ils cultivent également une certaine idée de la France et du monde : c’est elle que je souhaite promouvoir en réduisant d’abord les inquiétudes pour mieux construire une France qui avance, une France dynamique, une France qui croit au progrès et qui n’a pas peur de l’avenir. Comme dirait J.-C. Guillebaud, il y a d’autres choix pour la France que celui entre le déclin et l’arrogance : il y a le goût de l’avenir.
C’est ce message que nous voulons porter, un message que les Français entendent dans l’histoire de cette vieille nation qui, dans son passé, a fait la guerre à presque tous les pays d’Europe et, quelquefois, à tous en même temps ! Notre pays, dans ses profondeurs, reconnaît les sacrifices consentis, en particulier au cours de deux guerres mondiales, par les meilleurs des siens. Cette histoire, est présente dans notre culture nationale et nos blessures ne sont pas toutes cicatrisées. Cette histoire, sanglante et tragique, nous dicte aujourd'hui notre esprit, notre volonté, notre ambition de paix.
Les Français savent que notre rang est celui d’une puissance qui peut et qui doit faire entendre sa voix, parce que nous disposons d’un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, parce que nous disposons de forces nucléaires, parce que nous représentons pour les autres pays un certain idéal de respect des droits de l’homme, de démocratie. Être Français, c’est aussi penser au-delà de la France.
Les Français, enfin, savent que notre horizon c’est l’Europe. Ils souhaitent que la France soit influente en Europe, qu’elle contribue à penser l’Europe.
Forte de ce constat, la France entend se mobiliser dans quatre directions, quatre dimensions de la solidarité :
– elle doit être active au sein du système international ;
– elle doit contribuer à la stabilisation régionale et à la résolution de crises ;
– elle doit mobiliser toutes les énergies pour la sécurité intérieure ;
– et, ciment essentiel, elle doit renforcer les liens de confiance entre professionnels de défense et acteurs de la société civile.
Le soutien au système international
Les principes du système international : stabilité, équité, responsabilité
Nous sommes très attentifs au respect des principes fondamentaux de la communauté internationale qui étaient et sont toujours en jeu : stabilité, équité, responsabilité, et à leur équilibre dans les décisions de la communauté internationale.
La stabilité est une exigence stratégique. Pour la France, l’ordre international ne signifie ni faiblesse, ni impuissance, ni immobilisme mais l’exercice de la volonté et de la lucidité pour le règlement durable des crises.
Dans cette interdépendance qui marque notre époque, l’équité est primordiale. Au moment où la communauté internationale voulait régler avec détermination le problème du désarmement irakien, elle devait tourner le même regard vers la crise du Proche-Orient.
La responsabilité collective constitue enfin une nécessité morale et politique. Morale, parce que les démocraties doivent respecter à l’extérieur les principes sur lesquelles elles reposent à l’intérieur. Politique, parce que seule la collégialité des décisions assure la légitimité nécessaire à une action en profondeur, cohérente et efficace.
Ces principes exigent de l’ensemble de la communauté internationale une vraie solidarité. Ils ont inspiré, vous le savez, l’attitude de notre pays, sous l’autorité du chef de l’État, pendant la crise irakienne : vigilance face à une menace potentielle, exigence de légitimité de l’action, recherche de l’efficacité appuyée sur des instruments d’action collective.
Ils inspirent notre approche de l’après-conflit, et sont le mieux à même de servir le retour à la paix, la reconstruction, la prise en charge de leur destin par les Irakiens dans un cadre démocratique.
Réformer le système international
C’est pour maintenir ces grands équilibres que nous pensons qu’il faut réformer le système international. Le président de la
République récemment, devant l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies, a plaidé pour une modernisation profonde du Conseil, fondée sur son élargissement pour refléter l’état du monde, sur le renforcement de son autorité et de ses moyens d’évaluation et d’action collective.
La non-prolifération et le désarmement
En matière de non-prolifération et de désarmement, notre ambition est la même : nous voulons maintenir les grands équilibres qui régissent l’organisation du monde.
La prolifération des armes de destruction massive constitue le vrai défi d'aujourd'hui. La France tient à prendre toutes ses responsabilités que ce soit en matière nucléaire, chimique ou biologique.
C’est pour y faire face que le G8 s'est mobilisé à Évian ; que l'Union européenne, au Conseil de Thessalonique, a lancé une stratégie de réponse ; que le chef de l’État a proposé la tenue d'un sommet du Conseil de sécurité afin de fédérer l'action pour contrecarrer les dérives de la prolifération.
Notre engagement va bien au-delà. Face à la multiplication des crises internationales et à la persistance des menaces du terrorisme et de la prolifération, nos armées contribuent activement à la stabilisation régionale. C’est ainsi que nous souhaitons exercer notre influence.
Nous nous donnons les moyens d’être influents
La stabilisation régionale
Cette année encore, près de 15 000 de nos soldats, d’active ou de réserve, sont déployés dans le monde entier, engagés dans 27 opérations hors du territoire métropolitain.
Je veux souligner le succès remarquable des deux premières missions militaires de l’Europe dans le cadre de la PESD : en Macédoine, où, pour la première fois de son histoire, l’Union européenne a pris le relais de l’Otan ; en Ituri (NDLR. République démocratique du Congo, opération Artémis), avec une opération particulièrement complexe, tant sur le terrain qu’au niveau logistique, et qui s’est déroulée à plus de 6 000 kilomètres du territoire européen.
De l’Afghanistan à la Corne de l’Afrique, la poursuite de notre participation à la lutte contre le terrorisme nous conduit à engager nos personnels, chaque jour, aux côtés de nos amis et alliés américains et de nos autres partenaires de l’Otan.
Enfin, en Afrique comme dans les Balkans, notre participation reste toujours essentielle à la poursuite des processus de stabilisation et de réconciliation en cours.
Je tiens tout particulièrement, en présence de la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, et du chef d’état-major des armées, le général Bentégeat, à rendre hommage à la compétence, au professionnalisme, à la disponibilité et au courage des hommes et des femmes de nos forces armées qui, partout où ils sont engagés, accomplissent un travail extraordinaire et suscitent le respect de nos alliés.
Les nombreuses sollicitations des forces armées dans différents théâtres confirment, si besoin en était, la nécessaire modernisation de nos capacités.
Au niveau national avec la LPM
Ces capacités, moteur de notre influence, nous nous donnons les moyens de les acquérir avec la loi de programmation militaire (LPM).
Conformément à nos engagements, la loi de finances initiale 2003 a opéré un premier rétablissement financier important avec une augmentation en valeur de 7,5 % du budget de la Défense par rapport à 2002. Avec le projet de loi de finances pour 2004, le gouvernement réaffirme sa détermination à garantir à notre pays une défense moderne et efficace.
La progression globale du prochain budget de la Défense est de 4,1 %, celle des dépenses d’investissement de 9,2 %, ce qui, dans la période de ralentissement économique que nous traversons, et en regard de l’exigence générale de maîtrise des dépenses, représente un effort exceptionnel. Il faut en avoir conscience. Cet effort consenti par nos concitoyens comporte en retour une exigence accrue de bonne gestion. Je sais que l’action de réforme qu’a engagée Michèle Alliot-Marie au sein de son ministère est tout entière inspirée de cette exigence.
Ainsi, les composantes de la dissuasion se verront dotées d’un troisième sous-marin nucléaire lanceur d’engins nouvelle génération de type « Le Triomphant » en 2004. La mise en service du missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A) interviendra en 2007, tandis que sera lancée prochainement la production du missile stratégique balistique M51.
Nos forces nucléaires jouent un rôle-clé pour notre défense et la sécurité des Français. Elles requièrent un effort constant, scientifique, humain, financier, industriel qui garantit leur crédibilité. Le président de la République l’a rappelé, ici même, le 8 juin 2001 et la nouvelle loi de programmation militaire en fait un objectif majeur.
La dissuasion demeure un fondement essentiel de notre défense. Les forces nucléaires constituent, sur le long terme, une garantie face aux risques d’agression de la part de puissances majeures. Elles sont, par ailleurs, adaptées pour faire face à une diversité de scénarios de chantages et de menaces auxquels nous expose, de façon de plus en plus plausible, le développement d’armes de destruction massive dans le monde. Sous l’autorité du chef de l’État, leur conception, leur programmation et la doctrine qui les gouverne évoluent avec notre environnement et l’analyse des menaces.
Dans le domaine conventionnel, les structures de commandement de niveaux stratégique, opératif et tactique seront modernisées et adaptées au nouvel environnement d’engagement multinational. La projection et la mobilité des forces seront améliorées. Nos capacités de frappe dans la profondeur gagneront en souplesse et en précision. L’effort sera porté sur l’équipement des forces spéciales et des forces terrestres.
Cette mise à niveau de nos moyens militaires s’inscrit dans la logique des choix majeurs que nous avons effectués en faveur de la construction de l’Europe de la Défense et de notre participation aux mutations de l’Organisation atlantique.
Notre influence passe par une France forte au sein d’une Europe forte, qui contribue également à la vitalité d’une Alliance atlantique forte.
Au niveau européen avec la PESD
Je voudrais souligner les progrès considérables accomplis par la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) depuis un an, et notre dernière rencontre ici même.
Les opérations européennes ont démontré la plus-value concrète apportée sur le terrain par la PESD. Elles témoignent de la capacité des Européens à prendre des responsabilités accrues, et aussi les risques correspondants, pour défendre leurs valeurs et leurs intérêts de sécurité, y compris en dehors du continent européen.
L’enjeu est de préserver cet élan pour que l’Union se donne les moyens d’assumer pleinement ses responsabilités dans la prévention des conflits et le règlement des crises.
De tous les progrès que va faire l’Europe, ceux en politique étrangère et dans la défense seront au cœur de cette dynamique. Si nous voulons des institutions plus fortes, si nous voulons plus de cohérence dans la construction européenne, si nous voulons une Europe force d’équilibre dans le monde, il est évident que nous devrons faire progresser ensemble la politique étrangère, la démocratie et la défense.
C’est dans cet esprit que nous soutenons la nécessité de planifier et de conduire effectivement les missions de Petersberg, notamment celles sans recours aux moyens de l’Otan. Cette amélioration des capacités de planification opérationnelle et de conduite d’opérations doit permettre de renforcer la crédibilité de l’Union sur la scène internationale.
Notre but reste de mettre en place une telle capacité, soit en accord à 25, ce qui aurait notre préférence, soit entre partenaires intéressés, option que nous souhaitons voir ouvrir par le nouveau traité de l’Union.
Plusieurs défis sont à relever par les États membres aujourd’hui : d’abord un défi constitutionnel avec le projet de traité adopté par la Convention qui contient des avancées significatives sur la défense et qu’il faut préserver ; puis un défi conceptuel en menant à son terme le travail engagé autour de M. Solana sur la stratégie de sécurité de l’UE ; enfin un défi à la fois capacitaire et opérationnel, car c’est sur le terrain que la PESD s’affirme.
Si nous parvenons à relever ces défis, nous atteindrons de fait notre double objectif. Car une Europe plus forte, c’est aussi une Alliance atlantique plus forte.
En relation directe avec l’Otan
Le renforcement des capacités européennes constitue naturellement une contribution à l’Otan et nous nous attachons à ce que les démarches des deux organisations se complètent dans le respect de leur autonomie.
Qu’il n’y ait pas de doute dans les esprits, l’Otan est et restera le fondement de notre défense collective. Notre pays considère que le lien transatlantique, le partenariat stratégique entre l’Europe et les États-Unis, notre premier allié, constituent un élément fondamental de la sécurité du monde.
La France montre d’ailleurs concrètement sa solidarité avec ses alliés puisqu’elle est, avec plus de 5 200 soldats engagés, l’un des tout premiers contributeurs de forces dans les opérations menées par l’Otan. Tout en gardant sa position spécifique dans l’Alliance, elle s’est aussi investie dans son effort d’adaptation en contribuant à l’élaboration et à la réalisation de la nouvelle structure de commandement et de la force de réaction rapide (la NRF).
Certes, l’amélioration de l’efficacité militaire de l’Alliance élargie nécessitera probablement d’adapter le processus de décision ; mais la primauté du politique doit être réaffirmée. Plus que jamais, c’est une définition en commun des objectifs politiques qui garantira le succès des opérations militaires et qui renforcera l’Alliance.
Si de solides capacités d’intervention extérieure sont nécessaires, elles ne sont pourtant pas suffisantes. Comme je l’avais affirmé ici même, l’année dernière, les terroristes ne s’arrêtent pas aux frontières. C’est pourquoi la mobilisation de l’ensemble du gouvernement pour la sécurité intérieure reste une priorité de tous les instants.
La mobilisation du gouvernement pour la sécurité intérieure
L’actualisation de la planification de sécurité
Seule une politique de défense globale peut nous permettre d’assurer la continuité de la vie nationale. De ce point de vue, les événements tragiques du 11 septembre ont été à la fois un révélateur et un accélérateur : face au caractère global et transversal des menaces, l’État se devait d’apporter des réponses dont le caractère est tout aussi global et transversal.
Sûreté aérienne et maritime, surveillance des installations nucléaires, risques NRBC, infrastructures de transport et d’énergie, grands complexes industriels et industrio-portuaires, systèmes d’information : le gouvernement a sélectionné et hiérarchisé les priorités ; les dispositifs d’expertise ont été mis en commun ; les principaux ministères ont travaillé ensemble et la concertation européenne a été riche d’enseignements.
C’est dans ce contexte que l’actualisation et la modernisation des plans gouvernementaux de sécurité ont été engagées et conduites sous l’égide du Secrétariat général de la Défense nationale.
Cette nouvelle planification donne la priorité à l’opérationnel. Elle permet d’associer plus étroitement la population à travers ses élus, ainsi que les opérateurs des grands services publics, partenaires privilégiés de l’État.
Cette démarche s’accompagne d’une relance de la politique d’exercices et d’une systématisation du retour d’expérience. Il n’y a pas d’efficacité sans préparation, sans rodage des procédures, sans entraînement des acteurs à tous les échelons, du décideur à l’intervenant de terrain.
Le rôle des forces armées
Il y a là un rôle essentiel pour nos forces armées. Celles-ci sont, en permanence, chargées de protéger l’espace aérien national, de contribuer à la surveillance et à la sauvegarde des approches maritimes. La protection du territoire et des populations est au cœur de leur mission. La Gendarmerie nationale constitue une force militaire et permanente de sécurité, polyvalente, présente sur tout le territoire.
Les missions des armées correspondent désormais à leurs savoir-faire spécifiques. Des armées professionnelles ne doivent plus être considérées comme un « réservoir de moyens ». Déjà mise en œuvre dans le cadre du nouveau plan Vigipirate, cette démarche privilégie la logique des missions, pour lesquelles les forces sont organisées et entraînées.
Une réserve rénovée et plus opérationnelle
Ce dispositif de protection fait également, de la réserve opérationnelle, un élément essentiel. Du fait de la suspension de la conscription, une réserve d’emploi a été substituée à une réserve de masse.
Cette réserve opérationnelle, dont l’objectif a été fixé à 82 000 personnes en 2008, ne sera pas un vivier de supplétifs. Elle devient une composante du dispositif de protection du territoire et de sauvegarde des populations, face aux risques liés tant au terrorisme qu’aux catastrophes naturelles ou technologiques. C’est un besoin vital pour la collectivité.
Cette réserve doit être volontaire. À l’heure de l’affirmation des individualismes et d’une forme de repli sur des communautés ou des solidarités intermédiaires, cela signifie des choix individuels exigeants. Il faut encourager un mouvement similaire à l’engagement associatif.
Elle doit être entraînée : cela impose formation et régularité, à la charge des cadres d’active et de réserve. Il reste certainement des voies à explorer pour que cet effort de formation soit valorisé au plan professionnel et constitue une forme de retour vers les employeurs civils.
Elle doit être motivée et intéresser l’ensemble de la communauté nationale. Nous aurons les réserves que nous saurons, ensemble, mériter au bénéfice de tous. Celui qui s’engage devra y trouver un épanouissement personnel. Les employeurs devront comprendre et encourager la rencontre entre les fonctions professionnelles et les compétences militaires de leurs employés. La nation devra entretenir une relation de proximité et de responsabilité avec les individus qui se mettent à son service.
La sécurité de la France est sans doute une question de moyens et d’organisation, mais elle dépend aussi et surtout de la qualité des femmes et des hommes qui servent dans les armées.
Une nouvelle relation entre l’armée et la nation
Une professionnalisation consolidée
Je suis très attaché à ce que l'ensemble du gouvernement et de la nation partagent l’effort que nous faisons pour notre défense. C’est, en effet, la condition du renouveau de la relation entre l'armée et la nation, rendu nécessaire par la professionnalisation des armées.
Si la professionnalisation est aujourd'hui un succès, il s'agit de la consolider.
C’est pourquoi le ministère de la Défense s’est doté d’un fonds de consolidation de la professionnalisation. C’est là un outil réactif au service d’une politique des ressources humaines ambitieuse, permettant d’agir sur la fidélisation des compétences et l’attractivité des
carrières.
La Défense est en train de relever le défi. Elle a en particulier recruté plus de 39 000 jeunes en 2002, et les objectifs pour les années qui viennent doivent se stabiliser autour de 35 000.
Ce constat optimiste ne doit pas masquer qu’il importe aujourd’hui que l’État renouvelle le pacte qui le lie à ses agents, pour mieux récompenser leurs efforts, pour simplifier et améliorer le cadre de leur action.
Un statut des militaires rénové
C’est dans cet esprit que le président de la République a souhaité que soit engagée une réflexion sur la place des militaires dans la société, que soient examinées les contraintes spécifiques de l'état de militaire afin d’y apporter les justes contreparties, et que soient définies enfin les modifications à apporter à leur statut.
Les travaux de la commission présidée par M. Denoix de Saint-Marc serviront de base à l’élaboration d’un projet de loi qui sera soumis à la représentation nationale dans les prochains mois.
Au-delà de leur statut, les militaires doivent se sentir compris et soutenus par la nation, dont ils méritent le respect. Ils peuvent compter sur l’engagement du gouvernement. Il s’agit de faire en sorte que la France assume son ambition de défense et reconnaisse ainsi aux professionnels la place qu’ils ont dans cette ambition.
La promotion d’un nouvel esprit de défense
Dans le monde actuel durablement imprévisible et dans une période marquée par l’accroissement des crédits alloués à la défense de notre pays, la sensibilisation des Français aux questions de défense et leur adhésion à la politique conduite dans ce domaine est plus que jamais une nécessité.
En premier lieu, c’est leur expliquer, par un effort de pédagogie permanent, la nécessité de disposer d’une défense apte à assurer les missions les plus exigeantes, condition à la concrétisation des ambitions affichées par la France sur la scène internationale. Cela implique la confiance des Français envers leurs armées.
L’efficacité de la défense, ses résultats et son souci du bon emploi des ressources qui lui sont consenties, favoriseront la crédibilité de l’action de l’État au profit de la nation.
La défense doit également démontrer son ancrage dans la société dont elle procède, notamment au travers de son rôle social et de son engagement quotidien aux côtés des Français.
C’est aussi mettre en évidence que les choix d’équipement des forces pour le futur contribuent au développement économique et social du pays.
C’est enfin les convaincre que la défense demeure l’affaire de tous. Le sentiment d’avoir à défendre en commun un patrimoine culturel, un modèle de société, une population, un territoire ou une certaine conception du droit international n’a rien de spécifiquement militaire : il procède d’un patrimoine important de valeurs qui appartiennent à notre pacte républicain et de la notion même de citoyenneté.
Un rôle éminent pour l’IHEDN, encouragements aux congressistes
Je compte sur l’IHEDN pour participer à cette dynamique du partage de l’esprit de défense, pour lequel il joue un rôle éminent. Son action est capitale et a été encore amplifiée par l’esprit d’ouverture insufflé sous la présidence de Thierry Le Roy que je tiens à remercier publiquement aujourd’hui.
L’IHEDN, c’est d’abord et avant tout des auditeurs. J'attends de chacun d'entre vous qu'il contribue activement, avec imagination et avec enthousiasme, à ce nouvel élan qui a été donné à notre défense.
Chaque auditeur de l’IHEDN doit se considérer comme étant « en mission » au service de notre pays. Chacun de vous va beaucoup recevoir pendant son séjour au sein de l’institut, il est normal et juste que vous donniez beaucoup en retour.
Les initiatives visant à vous associer au parcours de citoyenneté de notre jeunesse sont naturellement les bienvenues. Les portes de la réserve citoyenne vous sont grandes ouvertes.
Vos associations ont également une place de choix dans cette démarche. Elles constituent un réseau irremplaçable pour accompagner, faire comprendre et expliquer la politique de défense de la France à nos concitoyens. J’attends beaucoup des réflexions qui ne manqueront pas de se dégager de votre colloque. Je fais confiance au président Rosius pour animer cette réflexion.
Je tiens à rendre hommage à votre disponibilité, à votre capacité à trouver le temps pour cette cause, pour aller de l’avant au service de notre pays. J'attache aussi beaucoup d'importance à la diversité de votre assemblée, de votre institut. Cette diversité, qui fait votre richesse et votre cohésion, est essentielle au métissage de la pensée. C'est un gage de votre réussite.
Le goût de l’avenir
Enfin, je voudrais vous exprimer considération et confiance et vous dire que dans ce XXIe siècle qui s'ouvre, il ne faut pas avoir peur de l'avenir, mais s'y préparer. Certes, il présente des zones d'incertitude ; mais la France a tous les moyens, toutes les capacités pour trouver en elle-même les solutions aux problèmes qui lui sont posés. La France est un pays qui ne doit pas avoir peur. Celui qui a peur engage une logique de déclin et de défaite. La France n'a pas peur de l'avenir, elle a le goût de l'avenir.
Et l'esprit de défense fait partie de ce goût. Parce que nous n'avons pas peur de l'avenir, nous anticipons tout ce qui peut se passer dans le monde et nous nous y préparons. Les Français doivent pouvoir trouver, dans l'engagement de chacun d'entre vous, des raisons d'avoir confiance.
Plus nous sommes rassemblés pour préparer l'avenir, plus nous aurons confiance dans ce qui est notre cause aujourd'hui : faire que la France s’épanouisse dans le XXIe siècle. C'est pour cela que je suis heureux d'être aujourd'hui parmi vous, animé pour cette cause. Et il n'y a pas de plus grand bonheur que de se battre, que de s'engager, que de se donner pour des causes plus grandes que soi. ♦