L'état du monde 2004 (annuaire économique et géopolitique mondial)
Ce petit ouvrage – réalisé à l’initiative de l’université Paul Valéry à l’occasion du cinquantenaire de l’attribution, pratiquement posthume, du bâton – comporte une dizaine de textes de longueur et d’intérêt variables, dont trois de la main du général. En raison sans doute de l’origine géographique des concepteurs (Carles et Cambon de Lavalette), il y est beaucoup question de l’action dans l’actuelle capitale du Languedoc-Roussillon (qui bénéficie également de la quasi-totalité de l’iconographie) : épisode de novembre 1942 (qui ne fut pas une simple « équipée burlesque » à la Soubise), libération de la ville, discours… Si le parcours tunisien traité par le général Delmas a sa place, le lecteur sera surpris de ne voir citée que de façon très allusive la période indochinoise, courte mais décisive, notamment pour le couronnement de la carrière.
On voit apparaître certains traits dominants, et bien connus, de la personnalité du « roi Jean », dont une partie provient indubitablement de « l’empreinte de Lyautey » : l’anticonformisme, noté déjà à la tête du 15-1 ; l’importance accordée à la formation des jeunes cadres à Opme, Salambo ou Carnon, anticipation des écoles de Rouffach et de Langenargen, des camps légers, de l’implantation des saint-cyriens à Coëtquidan, voire des futurs centres d’entraînement commando ; le goût du faste au cours de cérémonies grandioses ponctuées d’arrivées tardives et de colères savamment contrôlées, débouchant sur l’emphase dans une conférence de 1948.
Trois textes ont retenu particulièrement notre attention : d’abord, une note d’octobre 1945 dans laquelle de Lattre se prononce nettement pour un type d’armée nationale reposant sur la conscription ; comme dit le présentateur Jean-Pierre Renaud non sans ironie, du temps a certes passé, mais les arguments avancés restent d’une « brûlante actualité, même si… ». Ensuite, un exposé précis, mais loin d’être austère, du professeur Barral sur les conditions politico-juridiques de l’attribution du maréchalat dans le contexte de l’époque. Enfin, une étude fouillée du professeur Martel sur l’affrontement avec Leclerc (que nous avons eu l’occasion de présenter ici il y a quelques mois) ne permettent guère de doute sur l’impartialité de l’article. Le « jeune camarade à séduire ou à remettre à sa place, tout en le ménageant en raison des liens l’unissant à de Gaulle » s’est révélé méprisant et animé d’un furieux « sectarisme France libre ». Ceci n’effaçant en rien ses exceptionnelles vertus de grand capitaine, son image n’en sort pas grandie. Derrière cet épisode se retrouve au fond la rivalité, jamais totalement éteinte, entre les téméraires membres du « club » dès le départ, et ceux qui ont cru de leur devoir, en partageant les mêmes espoirs, de se maintenir initialement dans la discipline. ♦