Du plan de Lattre en Tunisie au maréchalat
670 pages, 2 500 entrées, 100 spécialistes, le patronage d’Yves Lacoste, une importante contribution du Centre d’études et de recherches internationales (Ceri), voilà du sérieux pour ce vingt-troisième annuaire mondial. Comme ses prédécesseurs, celui-ci comporte un corps solide présentant « Tous les pays du monde », soit 226 États souverains ou territoires sous tutelle, regroupés en 38 ensembles géopolitiques. Ce corps a une tête, synthèse d’une soixantaine de pages intitulée « Un monde en mutation », et une queue, faite d’annexes dont la plus notable est le classement des pays selon un « indicateur de développement humain » aux résultats parfois surprenants.
La synthèse mérite d’abord l’attention, la crise irakienne y tenant la vedette. Bertrand Badie traite de la guerre d’Irak sous un titre que l’actualité la plus récente ne dément pas : « Les embarras de la puissance ». Franck Latty prend le relais sur le thème du « mépris du droit international ». L’économie mondiale n’est pas oubliée et on retrouvera là les contradictions qui sont la nature même de ce domaine incertain ; mais on regrettera que l’islam n’ait point reçu dans cette synthèse la place que, malheureusement sans doute, il eût méritée.
La revue des pays est l’occasion de jugements pertinents. Mis à part un espoir timide au Soudan et au Liberia, le spectacle de l’Afrique ne porte pas à l’optimisme : ni à l’Ouest avec la scission de la Côte d’Ivoire, ni au centre avec le Congo Kinshasa et le Rwanda, ni à l’Est en Somalie. Le survol du Proche et du Moyen-Orient n’est pas plus rassurant : Pierre-Jean Luizard parle de l’Irak avec la passion sévère qu’on lui connaît ; Gilles Dorronsoro est pessimiste sur l’avenir de l’Afghanistan ; le Pakistan reste instable, l’Arabie saoudite le devient ; l’Iran est à la croisée des chemins, sans qu’on puisse prédire celui qu’il va prendre. Placée par les auteurs dans l’ensemble « Méditerranée orientale », la Turquie fait le grand écart entre Europe et Asie, laïcité et islam ; sur ce difficile équilibre l’armée, gardienne de l’héritage d’Atatürk, veille ; ce qui devrait réjouir les partisans de l’entrée de la Turquie dans notre Union.
Ces quelques échantillons illustrent l’intérêt premier de ce précieux ouvrage : dans le galop du monde, un arrêt sur image. ♦