Si le passé impérial russe est désormais bien lointain – nostalgie d’une gloire à jamais disparue, en revanche le soviétisme est encore présent dans tous les esprits. Certaines pratiques politiques ressurgissent, et le peuple reste coupé des élites. L’analyse et la réflexion sur ce passé récent restent toujours nécessaires. La Russie cherche tout à la fois à s’en détacher et y revenir pour ce qui en est de l’instauration d’un certain ordre, d’un minimum de politique sociale ou la recherche d’une influence accrue sur la scène internationale, à commencer par son environnement immédiat. La Russie change chaque jour, à son rythme, avec son cortège de problèmes ; elle ne saurait faire peau neuve en un tournemain sans se déchirer.
Parmi les livres - La Russie contemporaine se tourne vers l'avenir (2e partie)
L’Union soviétique n’est plus, c’est du passé dit-on. Ce n’est pas une raison pour ne plus l’étudier affirme avec force Moshé Lewin (1). D’abord parce que la majorité des habitants ont été formés pendant cette époque, et parce que sans une connaissance sérieuse du passé tout débat politique tourne à la farce ; ensuite parce qu’il n’y a désormais plus de césure dans l’histoire séculaire russe entre un avant et un après 1917, un avant et un après 1991 ; les mêmes questions se posent, on l’a vu, chez Thulamn, Afanassief, Malia… Car comme l’a dit l’académicien V.-P. Metzuev « Un avenir qui ignore le passé, ce n’est en rien le destin historique de la Russie. Ceux qui veulent effacer le XXe siècle, un siècle de grandes catastrophes, doivent aussi à tout jamais dire adieu à une grande Russie ».
Cet effort d’explication de ce que fut réellement l’Union soviétique est également l’objet du très éclairant ouvrage du jeune philosophe Fabrice Bouthillon (2).
Staline
Moshé Lewin cherche à décrypter la personnalité et l’œuvre de Staline. Au-delà de sa méfiance, de son caractère sanguinaire ou paranoïaque, c’est surtout l’expérience de la guerre civile (1918-1921) qui a forgé l’homme de fer, mais aussi les traditions de son Caucase d’origine et le fait que contrairement à tous les autres leaders bolcheviks (Lénine, Trotski, Kamenev), il n’a jamais connu l’Occident ; en conséquence sa conception du pouvoir, du type de socialisme à construire et des méthodes à employer ne pouvaient qu’être fondamentalement différentes des autres leaders de la révolution. Staline avançait en partie « masqué », les autres dirigeants n’ont rien vu venir, on retrouve là le thème du mensonge au second degré, cette conspiration au grand jour dévoilée par Alexandre Koyré, propre à Hitler et qui depuis semble avoir fait des émules au petit pied…
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