Le commandement français en Orient (octobre 1915-novembre 1918)
L’histoire de la Première Guerre mondiale est redevable à Gérard Fassy d’avoir exploré un de ses aspects les moins connus : l’ouverture d’un front en Orient par les alliés. Certes, il y a quelques années, le Capitaine Conan, roman mis en images par Bertrand Tavernier, venait nous rappeler cet épisode, mais sur le mode de la fiction et non de la rigueur de l’étude universitaire. Cette dernière porte plus particulièrement sur l’action du commandement français de l’armée d’Orient dans sa globalité, analyse le rôle des trois commandants en chef français, explique l’organisation et le travail des principaux états-majors français en Macédoine.
S’appuyant sur une importante bibliographie et sur les archives des généraux français et alliés qui ont commandé l’armée d’Orient, cet ouvrage révèle la part prépondérante du front d’Orient dans la victoire de 1918. En effet, tandis que les armées rivales sont embourbées en Occident dans une guerre de position, l’ouverture d’un front en Orient, en revanche, entraîne un écartèlement des forces des Empires centraux. Une armée se préparait discrètement, qui devait percer le front bulgare en septembre 1918 et mener les alliés à la victoire.
Sous le commandement en chef successif des généraux Sarrail, Guillaumat et Franchet d’Espérey, l’armée d’Orient, intervenant d’abord dans la précipitation à Salonique pour tenter de sauver la Serbie, s’est formée, s’est maintenue et renforcée peu à peu, malgré la tiédeur (c’est un euphémisme) des responsables politiques (le Conseil supérieur de la guerre a même demandé un plan de retrait des troupes), pour devenir l’armée alliée d’Orient. Sarrail dut faire face aux difficultés liées à la neutralité de la Grèce ; mais la constitution d’une armée composée d’éléments de nationalités différentes posa bien d’autres problèmes. L’opposition franco-britannique fut un facteur majeur d’inertie, bloquant l’élaboration d’une stratégie commune, mais les autres composantes de cette armée ne furent pas en reste. Cette expérience, comme le remarque l’auteur, est riche d’enseignements sur le fonctionnement d’une force multinationale à une époque où les esprits n’étaient pas préparés à travailler hors d’un cadre national.
Enfin, cet épisode illustre à merveille le principe de concentration des efforts : en 1918, l’Armée d’Orient comptait 650 000 hommes. La bataille de la Mogléna s’est gagnée dans un rapport de force de trois contre un et en jouant de l’effet de surprise, attaquant à un point jugé trop défavorable à l’offensive. Il est regrettable que cette victoire soit rabaissée au rang de simple victoire locale. Gérard Fassy lui rend son éclat. ♦