Il y a dix ans, l'Afrique du Sud sortait du cycle des condamnations internationales en mettant un terme à la politique d’apartheid et en permettant à la majorité noire d'accéder au pouvoir. Cet événement historique a été longuement préparé puis conduit dans la sérénité par des médiateurs influents, blancs et noirs, de la société sud-africaine. Car ce sont bien ces forces silencieuses qui ont permis d'éviter l'embrasement du pays annoncé à cor et à cris par de nombreux commentateurs. Ce ne sont pas, en effet, les sanctions internationales, largement contournées par bon nombre d'États pragmatiques, qui ont amené le régime blanc à faire preuve de réalisme. Elles ont au contraire alimenté des connivences à l'échelon planétaire pour éluder l'embargo qui avait été décrété contre l'incontournable partenaire économique des pays industrialisés et des États africains.
Après avoir franchi le Rubicon au milieu des années 90, la nation arc-en-ciel n'a pas implosé. Au début de ce nouveau millénaire, la cohabitation raciale se passe plutôt bien, mais les inégalités sociales demeurent et des interrogations sur l'avenir hantent les esprits. Malgré ces inquiétudes, le pays de Nelson Mandela est resté une puissance régionale qui jouit d'une incontestable domination politique et économique dans le continent africain.
En 1994, l’Afrique du Sud a pris rendez-vous avec l’histoire. Confrontée à un extraordinaire défi qui consistait à donner le droit de vote à la majorité noire et à lui transférer le pouvoir politique, la communauté blanche a osé franchir le Rubicon en permettant au pays d’entrer dans un processus irréversible de démocratisation et de mutations. Cette métamorphose est d’autant plus spectaculaire que la fin de la suprématie blanche s’est passée dans le calme et n’a pas été suivie de réactions violentes en provenance des franges extrémistes, ni d’attitudes revanchardes et de chasse aux sorcières de la part du nouveau gouvernement. Lorsqu’elle a pris les rênes de l’exécutif, la nouvelle administration noire n’a pas commis les mêmes erreurs qu’en Angola ou au Mozambique, qui ont perdu au moment de l’accession à l’indépendance une partie significative de leurs cadres. Dans ces anciennes colonies lusophones, le départ précipité des Blancs a provoqué le marasme économique. Au contraire, en Afrique du Sud, la communauté blanche n’a pas été dépossédée des grands leviers financiers et économiques. Le réalisme, le pragmatisme et surtout le sens de l’intérêt national de Frederik de Klerk et de Nelson Mandela ont évité à la République sud-africaine (RSA) de connaître la guerre civile. Dix ans après, force est de constater que la transition s’est bien déroulée.
Ce retournement n’a pu s’opérer que par une prise de conscience du gouvernement blanc de Pretoria qui a fini par comprendre qu’il s’était placé du mauvais côté de l’histoire et qu’il devait absolument tenter une action audacieuse pour sortir le pays, frappé d’opprobre, de l’impasse constitutionnelle dans laquelle ses dirigeants l’avaient confiné en 1948, date de l’institutionnalisation de l’apartheid. Le pari a été réussi, car dans cette affaire à hauts risques, les Blancs n’ont pas perdu la face, bien au contraire, et les Noirs ont retrouvé leur dignité. Le régime blanc n’a pas été renversé, ni jamais déstabilisé par les actions de guérilla des opposants noirs. Le régime afrikaner a toujours conservé la maîtrise de la situation, car il était très fort aux plans politique, militaire et économique. Le pouvoir était solide, mais il était terriblement impuissant face à l’hostilité croissante dans le concert des nations. Et c’est justement parce qu’il se sentait impuissant, mais fort, qu’il s’est résolu à faire des concessions, en position de force.
Les oracles alarmistes qui n’avaient de cesse d’annoncer la désintégration du pays se sont trompés. L’Afrique du Sud n’a pas implosé. Les oiseaux de mauvais augure n’ont pas su comprendre la complexité et l’évolution de la société sud-africaine, une transformation qui a été remarquablement gérée par des médiateurs influents des communautés noire et blanche.
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