Terrorisme et criminalité organisée
Au fil de cet ouvrage passionnant, l’auteur, officier de gendarmerie et docteur ès sciences politiques, analyse les rapports entre terrorisme et criminalité organisée. Dans un premier temps, son travail porte sur la détermination des concepts de criminalité organisée puis de terrorisme. Il se demande ensuite comment observer ces organisations et propose, enfin, une analyse stratégique, sous le double aspect d’une part de l’identification et de l’analyse sociologique et politique, et d’autre part de l’approche opérationnelle.
Le sens commun attribuerait au terrorisme l’exercice de la violence dans un but politique et à la criminalité organisée la simple recherche du profit. Pourtant un tel critère est inopérant au regard de la pratique de ces organisations, qui tendent largement à la convergence. Qui plus est, la ligne de partage est très largement subjective : les qualifications de terroriste ou de mafieux relevant de l’invective, dont les intéressés se défendent bien souvent. Toutefois, cette convergence n’aboutit que rarement à la fusion. L’auteur propose trois critères de distinction. Tout d’abord, le caractère politique – compris comme référence à une idéologie, puis à une religion, mais également comme combat politique pour la maîtrise du pouvoir en vue d’exercer une autorité de fait – caractérise une action terroriste. Cette action, ensuite, met en cause la légitimité de l’État auquel elle s’attaque. Ainsi le rapport à la violence est-il différent selon que l’organisation est terroriste ou criminelle. Revendiquée et extérieure pour le groupement terroriste, la violence ne produit ses effets que lorsqu’elle prend fin, tandis que, pour la criminalité organisée, elle est essentiellement interne et cherche à assurer une forme d’autorité officieuse.
Les notions de terrorisme et de criminalité organisées apparaissent donc trop larges et imprécises. Qui plus est, la situation est variable d’un État à un autre : l’histoire de la criminalité organisée y étant différente, l’arsenal juridique est plus ou moins conséquent. Ainsi, la France est-elle moins bien armée que l’Italie, la criminalité organisée étant chez nous un phénomène assez récent, à la différence du terrorisme. Les définitions retenues par les États pêchent au plan conceptuel pour ne tenir compte que d’une réalité actuelle. En outre, le travail législatif est rendu plus difficile par le caractère mouvant de ces organisations et la péremption rapide des informations les concernant.
L’auteur prêche, enfin, pour une méthode d’investigation proche des méthodes de raisonnement opérationnel des militaires, traitant de l’organisation criminelle ou terroriste comme d’une entité ennemie, dépassant ainsi la responsabilité personnelle de notre système juridique, inadéquate en la matière. Il n’ignore cependant pas les analyses sociologiques de ces phénomènes qui les appréhendent comme plus spontanés et, par suite, moins structurés que la conception de l’ennemi de ces méthodes. Qualité non négligeable de l’ouvrage, il tient compte des libertés publiques, qu’une telle méthode ne doit pas bafouer, car elles demeurent l’objet principal que l’on cherche à préserver. ♦