La rivalité entre les États-Unis et l'URSS en Extrême-Orient
Depuis qu’elle se pose, la question d’Extrême-Orient a changé d’aspect. Jusqu’alors on recouvrait sous ce terme les problèmes politiques et économiques que posait la prééminence japonaise en Asie orientale et dans le Pacifique du Sud-Ouest : l’élimination successive de la Russie, en 1905, des pays européens à la faveur de la première guerre mondiale, puis, lors de la seconde, l’éviction provisoire des États-Unis et de la Grande-Bretagne avaient consacré, dès 1942, l’exclusive prépondérance du Japon. Sa capitulation sans conditions du 2 septembre 1945 a bouleversé cet état de fait : une immense succession est ouverte ; la compétition à laquelle l’héritage du Japon donne et donnera lieu à l’avenir davantage encore est l’aspect essentiel du problème présent et futur de l’Extrême-Orient.
La Chine et l’héritage japonais
À vrai dire, la question serait résolue si la Chine était capable de prendre en Extrême-Orient la place laissée vacante par le Japon pour y assumer le rôle de direction. Mais la Chine n’en est capable, ni économiquement, ni politiquement. Du point de vue économique, l’infériorité et l’insuffisance de la Chine sont manifestes : la main-d’œuvre y est quantitativement abondante, mais sa répartition très inégale, et des zones à peu près désertes et inutilisées malgré leur fertilité s’y opposent à des régions surpeuplées ; de plus, la qualité de la main-d’œuvre laisse à désirer, celle-ci n’a que peu d’aptitude aux travaux industriels pénibles — mines et sidérurgie par exemple — ; même les travaux agricoles n’y sont pas faits avec tout le soin nécessaire et la qualité des produits s’en ressent. L’insuffisance des transports est manifeste : peu de routes carrossables en dehors du Nord, un réseau ferré insuffisant qui ne comprend que 11.345 kilomètres de voies, des aménagements portuaires trop peu nombreux et souvent trop sommaires. L’impression trompeuse du trafic intense des jonques sur les quelques grands fleuves chinois masque une grave lacune de l’équipement économique chinois. Si l’on ajoute à ces lacunes celle de l’équipement industriel, on comprendra la faiblesse insigne du développement industriel chinois pour toutes les industries-clefs — mines, sidérurgie, industries chimiques — ; à l’exception des industries textiles ; la guerre et l’occupation japonaise ont encore réduit la capacité productrice du pays : la Chine a produit 14 millions de tonnes de charbon en 1946 et une quantité d’acier inférieure à la Belgique.
La Chine souffre en outre de deux autres maux graves hérités de la guerre : une inflation forcenée y a provoqué une dépréciation monétaire vertigineuse ; l’indice des prix de gros est passé de 100 en 1937 à 1.911.000 en juin 1946 ! Le pays se débat au milieu d’une crise monétaire qui paralyse toute restauration économique sérieuse. En outre, la guerre civile, qui n’avait jamais complètement cessé, même pendant la guerre japonaise, a repris depuis 1946, rendant impossible le rétablissement économique et la restauration politique du pays sur des bases stables.
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