Le sillage militaire de la France au Cameroun - 1914-1964
L’auteur, soucieux de développer la culture historique professionnelle des militaires, a écrit : L’Armée de terre et son corps d’officiers : 1944-1994 (Addim, 1996), La couverture du risque en milieu militaire (Addim, 1998), Regards sur la circonscription : 1790-1997 (FED/Documentation Française, 1998), Étapes de la citoyenneté des militaires : 1789-1999 (Société des écrivains, 2000), La révolte des sagaies : Madagascar 1947 (L’Harmattan, 2002).
Tout aussi attaché à ce que soit rempli, envers ceux qui ont mérité de la France pour l’avoir servie au péril de leur vie, le devoir de mémoire, il nous livre ici, après La révolte des sagaies, un nouvel ouvrage tout aussi richement documenté et dont l’intérêt historique est de premier plan. Car l’histoire du Cameroun que nous connaissons aujourd’hui n’a rien de banal, même si ce pays d’Afrique équatoriale reste l’un de ceux qui, au cours de ces quarante dernières années, ont le moins fait la « une » des journaux. Sans doute cet ouvrage arrive-t-il un peu tôt pour les Français peu enclins à se pencher sur leur histoire récente, particulièrement sur la fin d’une période coloniale où la France fut très engagée…
Qui se souvient en effet que cette ex-colonie allemande, qui, avec le Togo à l’Ouest, l’Est africain (devenu Tanzanie) et le Sud-Ouest africain (devenu Namibie), formait à l’époque de la conquête coloniale, dans la seconde moitié du XIXe siècle, le Mittelafrica, rêve colonialiste de l’Allemagne du Kaiser, rêve dynamité par le Traité de Versailles mais ressuscité dans les esprits par l’idéologie hitlérienne ? Qui se souvient que la compétition entre les colonisateurs a provoqué, tout au long de cette fin de siècle et jusqu’à la veille de la Grande Guerre, de nombreuses et tout aussi éphémères révisions des frontières du Cameroun ? Que, dès la déclaration de guerre du 2 août 1914, les hostilités ont éclaté sur le sol africain entre les Franco-Anglais d’une part et l’armée allemande d’autre part ? Que la guerre a duré dix-huit mois et s’est terminée par la prise de Yaoundé le 8 janvier 1916, après une campagne particulièrement pénible sous le climat équatorial qui a fait plus de 1 000 morts du côté français et près de 1 600 blessés ?
Tout cela est rappelé ici, avec, à l’appui, une documentation de première source, dans un style alerte et précis qui ne laisse rien ignorer des motivations ni des difficultés que les Français ont dû surmonter pour sauvegarder toute l’AEF convoitée par l’ennemi.
Puis l’auteur, avec le souci permanent de pédagogue qui est le sien, prend soin de distinguer, dans le demi-siècle de l’histoire du Cameroun qu’il examine, deux périodes successives : celle, d’abord, après un court condominium franco-anglais, du « Mandat » confié par la SDN à chacun des pays vainqueurs pour sa partie, et qui durera jusqu’en 1945 ; puis, à partir de cette date, celle de la « Tutelle » où le Cameroun est placé par les Nations unies, jusqu’à son indépendance, sous la tutelle de la France. Devenu indépendant en août 1960, le Cameroun devra cependant demander l’aide de la France pour entreprendre la réduction des troubles qui agitent le pays, troubles nés bien avant l’indépendance mais que celle-ci ne calmera pas. L’armée française restera au Cameroun jusqu’à la fermeture de la Mission militaire française, fin 1964, non sans avoir beaucoup donné d’elle-même, dans la période, pour restaurer l’ordre sous la responsabilité des autorités camerounaises.
La documentation étudiée par l’auteur révèle toutes les difficultés que la France dut affronter au lendemain de l’indépendance acquise par un pays africain jus qu’alors placé sous sa protection…
C’est entre ces deux périodes que l’auteur place ce qu’il appelle « la charnière du diptyque de l’histoire du Cameroun contemporain » et qui correspond à la durée de la Seconde Guerre mondiale.
Si la plupart des Français ont encore en tête l’épopée du futur maréchal Leclerc, qui, de Douala par Fort-Lamy, Koufra, et Argentan jusqu’à Paris et Strasbourg, a porté si haut les couleurs de la France, permettant à celle-ci de réintégrer le concert des vainqueurs du nazisme, moins nombreux, semble-t-il, restent ceux qui connaissent le rôle primordial du général de Gaulle, du commissaire général Leclerc et de la population du Cameroun, un des premiers territoires à se rallier à l’appel du 18 juin 1940. C’est le Cameroun qui constituera la première base de légitimité dont de Gaulle avait tant besoin pour la reconstruction militaire et politique de la France libre, entraînant toute l’AEF derrière lui et donnant la possibilité aux armées de s’organiser pour la victoire.
Tout cela est raconté dans cet ouvrage avec beaucoup de détails et de documents d’époque. Tout lecteur féru d’histoire aura du mal, lorsqu’il l’aura ouvert, à se détacher de ce livre qui éclaire une période mal connue de l’épopée coloniale de la France. ♦