Discours de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, le 1er octobre 2004, lors de l’ouverture de la session annuelle de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN).
Équilibre du monde, Europe et défense
…
La sécurité internationale et européenne est aujourd’hui, avec, naturellement, la sécurité de nos concitoyens, au cœur des préoccupations des autorités publiques de la France, du président de la République et du gouvernement (1).
Cette sécurité internationale pose la question, pour nous aujourd’hui, de la place et du rôle de l’Europe dans le monde, mais aussi de la place et du rôle de la France en Europe.
Le monde a besoin d’Europe
Une Europe acteur majeur dans l’édification d’un monde nouveau
On voit bien aujourd’hui que le monde a besoin d’Europe, besoin d’Europe pour ses équilibres. Une Europe qui doit donc être acteur majeur de la nécessaire édification d’un monde nouveau, aux contours incertains, mais dans lequel l’humanité doit être reconnue dans sa diversité.
Certes, l’aventure européenne est semée, vous le savez, d’interrogations, d’embûches. Elle peine parfois à répondre à toutes les attentes et à toutes les ambitions que nous nourrissons pour elle, avec elle.
Mais l’Europe — par son exemple et aussi par son action — contribue déjà et contribuera encore à l’évolution du monde vers plus de stabilité, plus de justice et plus de liberté.
Par son exemple d’abord : celui d’une formidable réussite, unique dans l’histoire, fondée sur la réconciliation d’un demi-milliard d’hommes, autrefois divisés, déchirés, qui peuvent aujourd’hui s’enorgueillir légitimement de succès économiques, monétaires, commerciaux, politiques, et qui aspirent à partager leur idéal européen, un idéal de liberté, de tolérance et de fraternité.
Par son exemple, mais aussi par son action : en s’engageant sur la voie d’une mondialisation que nous voulons maîtrisée, encadrée, une mondialisation qui préserve les spécificités et les idéaux européens. L’Union contribue à corriger les déséquilibres, à régler les conflits, et à assurer un développement équitable et durable.
L’Europe sait que le respect de la diversité est indispensable pour éviter les phénomènes de crispation identitaire, qui sont aujourd’hui si présents : la définition par le rejet de l’autre et la transformation de l’incertitude de soi en haine des autres.
L’Europe — je crois que c’est peut-être sa mission principale aujourd’hui — est le meilleur rempart contre l’idée même de choc de civilisations.
Ma conviction, et vous l’avez compris, c’est que le monde a besoin de plus d’Europe. Le monde a besoin de la conscience, de l’expérience et de la vision européenne. Je vous le dis avec sincérité : pour moi, l’Europe est une urgence. Quand nous voyons le chaos du monde, quand nous voyons les tensions qui se préparent, quand nous voyons l’ONU encore hésitante, nous disons qu’il est important que l’Europe fasse entendre rapidement sa voix pour les équilibres du monde. L’Europe est une urgence.
Une Europe unie dans la diversité
L’Europe respire à nouveau de ses deux poumons, l’Ouest et l’Est. Malgré l’espoir que représente cette Union élargie, on le sait bien, des inquiétudes s’expriment ici et là : certains s’interrogent sur une « vieille Europe » et sur une « nouvelle Europe » dont les visions seraient irréconciliables et les clivages insurmontables. D’autres s’inquiètent d’une dilution des identités nationales, d’une bureaucratie trop étouffante. Quelques-uns enfin parlent de l’essoufflement du projet européen des pères fondateurs.
Qu’ils se rassurent. L’Europe de demain ne sera pas celle qu’ils décrivent.
Loin de conduire à une simple union économique sans projet partagé, loin de conduire à un creuset commun dans lequel les identités nationales se fondraient, l’Europe élargie, l’Europe rénovée que nous voulons bâtir, au travers du traité constitutionnel, est une Europe unie et riche de ses diversités, une Europe humaine et citoyenne, une Europe jeune et entreprenante.
Notre responsabilité aujourd’hui, c’est d’utiliser cette force vive pour construire une zone de croissance durable propre à favoriser l’emploi et le progrès social, qui sont au cœur de nos valeurs, au service des citoyens pour renforcer l’espace de liberté, de sécurité et de justice, et pour donner à l’Europe la place qui lui revient sur la scène internationale.
Des réponses européennes au défi de la sécurité mondiale
Nous devons faire en sorte que l’Europe apporte ses réponses au défi de la sécurité mondiale.
Le monde semble aujourd’hui désemparé face à toutes ces nouvelles menaces, menaces polymorphes et souvent imprévisibles, brutales, aveugles : terrorisme, prolifération, déliquescence des États, criminalité organisée, conflits régionaux.
La situation en Irak, où se multiplient les attentats et les prises d’otages, est naturellement très préoccupante. Avec Mme Michèle Alliot-Marie, nous vivons au quotidien cette situation et nous mesurons la profondeur du chaos et les rivalités politiques, religieuses, partisanes, mafieuses que peut entraîner un tel chaos. La libération de nos deux compatriotes, comme vous pouvez l’imaginer, est un souci permanent, quotidien pour notre gouvernement.
Nous mesurons combien cette situation est dangereuse. Elle n’est pas seulement dangereuse en Irak, nous le savons. D’autres foyers d’inquiétude existent ailleurs. La crise dans le Darfour menace des milliers et des milliers de vies humaines. Le massacre de Gatumba au Burundi a réveillé de terribles démons. La tragédie de Beslan, où plusieurs centaines d’enfants totalement innocents ont péri, repousse encore les limites de la barbarie dont peuvent être capables des terroristes.
Les réponses à ce type d’agressions d’une violence extrême ne peuvent pas être uniquement militaires. Il faut mobiliser, aux côtés de la force, des ressources diplomatiques, mais aussi commerciales, économiques et bien sûr humanitaires.
La valeur ajoutée de l’Union réside justement dans sa capacité à conjuguer ces différentes facettes de l’action internationale. L’Europe a vocation à partager la responsabilité de la sécurité internationale. Elle a l’ambition de devenir un acteur de sécurité global dans un environnement international que nous savons de plus en plus complexe.
L’Europe se doit de promouvoir sa conception du monde, un projet qui offre à l’humanité de réelles perspectives de paix, de stabilité mais aussi de prospérité.
La Politique européenne de sécurité et de défense
Pour cela, nous voulons progresser dans la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Et tel est bien l’objectif de cette politique qui a déjà permis la mise en place d’instruments et de capacités civiles et militaires.
La PESD est d’ores et déjà une réalité. Les militaires qui sont dans cette salle le savent bien, eux qui sont allés récemment en
Macédoine ou en Ituri, et qui iront demain en Bosnie, cette fois au titre d’une opération de l’Union européenne.
Je tiens à rendre hommage, en présence de la ministre de la Défense et du chef d’état-major des armées, au professionnalisme, à la disponibilité et au courage des hommes et des femmes de nos forces armées qui, partout où ils sont engagés, accomplissent un travail remarquable, courageux, intelligent qui suscitent le respect de tous nos alliés.
Loin d’être un processus de militarisation, la PESD constitue une véritable dynamique de la construction européenne. Une dynamique, au fond, souhaitée par nos concitoyens, une dynamique qui est désormais irréversible.
Pour répondre à cette attente, la PESD doit se doter des capacités civiles et militaires lui permettant évidemment d’assumer ses responsabilités.
Elle doit également être comprise par nos alliés, adoptée par nos concitoyens ; elle doit être crédible aux yeux du monde ; elle doit continuer à progresser.
Ces objectifs seront atteints par la mise en œuvre d’une politique claire et cohérente, par des actions efficaces et par une démarche ambitieuse mais aussi pragmatique.
Clarté et cohérence
Clarté et cohérence d’abord. C’est ce double principe qui a guidé l’élaboration de la Stratégie européenne de sécurité et qui guide les relations entre l’Union européenne et l’Otan.
Pour la première fois, au Conseil européen de Bruxelles — c’était le 12 décembre 2003 — les chefs d’État et de gouvernement des 25 États membres définissaient ensemble leur environnement de sécurité et fixaient des objectifs stratégiques communs. C’est une véritable vision européenne du monde et du rôle de l’Union dans le monde qui a ainsi été arrêtée. La France fait sienne cette stratégie articulée autour d’une approche globale de la sécurité et fondée sur la construction d’un multilatéralisme efficace, sur un engagement préventif, ainsi que sur la défense et le développement du droit international.
L’Europe devient aujourd’hui un acteur global, capable de mobiliser les ressources civiles et militaires de l’action extérieure, afin de contribuer à la construction d’un monde plus équitable, plus sûr et aussi plus uni. C’est cette Europe, garante de paix et de démocratie, que nous voulons léguer aux générations futures.
La clarté et la cohérence doivent également s’exprimer dans les relations entre l’UE et l’Otan. Dessein européen et solidarité atlantique sont et doivent rester complémentaires. Chacune des organisations a un rôle à jouer selon la situation qui se présente. Nous défendons ainsi la cohérence dans la complémentarité ; parce que l’Europe peut avoir besoin des moyens de l’Otan auxquels elle contribue, nous faisons jouer les accords de « Berlin + » entre l’Union européenne et l’Alliance ; parce que l’Union dispose déjà de ressources significatives dans la gestion des crises, nous pouvons aussi agir seuls et dans des délais souvent très brefs ; enfin, parce que dans toutes les circonstances, nous voulons affirmer la primauté du politique et préserver l’autonomie de décision de chacune des organisations, nous veillons à maintenir le contrôle politique et la direction stratégique d’une opération au niveau pertinent.
Efficacité
L’efficacité, ensuite. Car pour être crédibles et reconnues, les actions de l’Union européenne se doivent, évidemment, d’être efficaces. L’Union a acquis, ces dernières années, une crédibilité opérationnelle incontestable notamment en menant avec succès ses deux premières opérations militaires. Et le succès n’était pas assuré d’avance.
Concordia a achevé de stabiliser la Macédoine et a démontré que les arrangements de coopération entre l’Union européenne et l’Otan pouvaient fonctionner.
Le succès de l’opération Artémis en république démocratique du Congo a prouvé la capacité de l’Union à répondre rapidement à un appel des Nations unies et à agir de manière autonome à des milliers de kilomètres de nos frontières.
Dans toutes ces crises, la France a joué son rôle. Nous avons été efficaces et c’est la meilleure preuve qu’il faut aller encore plus loin.
Nous en aurons bientôt l’occasion puisque la relève de la Sfor en Bosnie sera, par sa dimension et par son double volet militaire et civil ainsi que par sa visibilité, un saut qualitatif majeur pour l’Union européenne. Elle sera une nouvelle occasion de démontrer notre crédibilité sur le terrain et la qualité de la coopération entre l’Otan et l’Union européenne.
L’Union européenne a également montré sa détermination à relever le défi du terrorisme. Immédiatement après les attentats madrilènes, l’Union a réagi et s’est dotée d’un coordonnateur européen en la personne de M. de Vries, ainsi que d’une structure de synthèse du renseignement stratégique.
Ces dispositions témoignent de la détermination de l’Union à s’attaquer aux menaces qui pèsent sur nos concitoyens et de sa capacité à agir et à se mobiliser rapidement, ce dont certains doutaient.
Ambition et pragmatisme
Enfin, ambition et pragmatisme. Pour continuer à progresser, la PESD doit s’inscrire dans cette double logique.
Sur le plan politique, l’ambition, c’est la vision d’une Europe « puissance tranquille » (2) qui « s’affirme comme l’un des piliers de l’organisation d’un monde nouveau, plus solidaire et plus libre, plus juste et plus sûr, d’un monde qui finalement, est au cœur du projet européen », pour reprendre les termes de Javier Solana (3).
L’ambition, c’est une Europe capable de partager la responsabilité de la sécurité internationale ; une Europe ayant acquis une autonomie stratégique sur toutes les questions relatives à sa défense et à sa sécurité.
Le pragmatisme, c’est l’expression d’objectifs stratégiques qui restent à la portée de l’Union européenne ; c’est la nomination d’un ministre des Affaires étrangères de l’Union, chargé de concevoir mais aussi d’animer une politique étrangère commune.
Le pragmatisme, c’est l’instauration dans le Traité constitutionnel d’une clause de solidarité en cas de désastre naturel ou bien d’attaque terroriste ; c’est l’instauration d’une clause d’assistance en cas d’agression armée contre le territoire d’un État-membre conformément à la Charte des Nations unies et dans le respect des engagements souscrits au sein de l’Alliance.
Le pragmatisme, c’est aussi la disposition du traité constitutionnel, instituant des coopérations structurées qui permettent à certains États d’avancer plus vite et plus loin en matière de défense.
Sur le plan capacitaire, l’ambition, c’est l’Objectif global 2010 dont l’initiative revient la France. Il traduit la volonté de disposer à cette échéance de forces armées européennes qui puissent agir ensemble, depuis le niveau stratégique jusqu’au théâtre d’opérations ; l’ambition, c’est une Europe capable de planifier et de conduire des opérations, et capable de déployer rapidement des forces inter-opérables.
Le pragmatisme, c’est une approche visant à l’émergence d’organismes, de procédures, de moyens utiles et efficaces.
C’est la création notamment, d’une cellule civilo-militaire et d’un noyau de centre d’opérations européen à l’état-major de l’Union européenne.
Le pragmatisme, c’est aussi la création de groupements tactiques interarmes de 1 500 hommes (GT 1500), à la disposition de l’Union européenne ; c’est la création d’une force de gendarmerie européenne à laquelle, sous votre impulsion, Madame la Ministre, la France a joué un rôle moteur ; c’est aussi un effort vers un partage accru du renseignement, notamment pour lutter contre le terrorisme ; c’est également un effort dans le domaine de la sécurité civile.
Sur le plan des ressources, l’ambition qui doit être la nôtre n’est certainement pas de rivaliser avec le budget de la Défense des États-Unis, mais de mieux utiliser les quelque cent soixante milliards d’euros que les 25 États membres consacrent à la défense. La France, sous l’impulsion du président de la République, a fait depuis mai 2002 un effort très important dans ce domaine. Il n’a jamais faibli, malgré la tension budgétaire. Cet effort pourra être une source d’inspiration pour nos partenaires, car nous avons pu démontrer qu’il restait compatible avec l’équation européenne.
Le pragmatisme, c’est la création depuis le 14 juin 2004, de l’Agence européenne de défense qui permettra la coordination entre les objectifs capacitaires européens, les programmes d’armement en coopération, les aspects relatifs à la recherche et à l’industrie. Cette Agence a vocation à devenir un des outils de l’autonomie stratégique européenne qui constitue à nos yeux un objectif majeur.
Sur le plan industriel, notre ambition est de disposer d’une industrie de défense structurée au niveau européen, qui nous permette de préserver nos acquis et de garder une avance dans le domaine des équipements.
Le pragmatisme, ce sont les restructurations qui ont déjà abouti dans le domaine aéronautique et spatial ou dans l’électronique, et vers lesquelles il faut tendre dans le domaine des équipements navals et terrestres.
Sur le plan de la formation, l’ambition c’est le développement d’une véritable culture européenne de sécurité et de défense. C’est la vision d’Européens conscients de leurs responsabilités vis-à-vis de l’humanité ; des Européens prêts à s’engager, avec toute la maturité que leur confère une histoire douloureuse, dans la voie d’un monde équilibré et respectueux de l’homme.
Le pragmatisme, c’est la création, là aussi, sous votre impulsion déterminante, chère Michèle Alliot-Marie, d’un Collège européen de sécurité de défense reposant sur une structure en réseau, souple et évolutive. Ainsi, dès cette année, le CESD démarre ses activités en s’appuyant sur l’IHEDN et les principaux instituts européens équivalents, renforçant en cela l’ouverture des auditeurs aux questions européennes.
La France moteur parce que crédible
La France doit dans cette stratégie être un moteur fort et crédible.
L’Europe constitue pour la France un formidable démultiplicateur de notre influence. L’Europe est bonne pour la France. Dans la construction de cette Europe où seront enracinées la paix et la démocratie, la France joue, et doit encore jouer dans l’avenir, un rôle moteur.
Vous devez, et avec vous l’ensemble de nos concitoyens, en être convaincus. C’est une exigence face aux échéances historiques que l’Europe a placées devant nous.
La France crédible grâce à son outil de défense
Pour tenir ce rôle, il faut une France déterminée et exemplaire dans sa capacité à mobiliser les moyens nécessaires à la cohérence de son outil de défense. Et elle doit veiller à un juste équilibre des fonctions de dissuasion, de protection et de projection.
La dissuasion nucléaire est maintenue à un niveau de stricte suffisance ; les efforts de protection de notre territoire et de notre population, ainsi que de projection, ont été accrus.
L’effort financier substantiel que représente la Loi de programmation militaire 2003-2008 répond à la volonté affirmée par le chef de l’État de permettre à la France de jouer pleinement le rôle qu’elle occupe sur la scène internationale.
En 2005, la France consacrera plus de 15 milliards d’euros aux dépenses d’équipement des armées. Les dépenses de fonctionnement connaîtront également un accroissement sensible, marquant le fort degré d’engagement des forces en opérations mais aussi le souci de gérer les conséquences de la professionnalisation des armées.
Cet effort soutenu place la France, avec le Royaume-Uni, au premier rang des pays européens.
L’adaptation de notre outil de défense comble en priorité les domaines dans lesquels les Européens sont aujourd’hui déficitaires ; je pense au transport aérien stratégique, au renseignement ou aux structures de commandement et de contrôle.
La France contribue ainsi à l’émergence d’une puissance européenne, en la dotant d’un outil crédible et complet au service de sa politique générale.
La France crédible grâce à son engagement au sein de l’Otan
La crédibilité de la France dans le projet européen repose également sur notre engagement au sein de l’Alliance.
Je tiens ici, devant vous tous, à récuser avec force le procès d’intention qui nous est régulièrement fait. Non, la France n’a pas de dessein caché ! Non, la France ne cherche pas à saper les fondements de l’Alliance en développant la PESD ! Non, la France ne veut pas séparer les deux rives de l’Atlantique !
Bien au contraire ! La France est particulièrement active dans sa contribution à l’Otan : ainsi, la France se situe parmi les premiers contributeurs en volume de troupes ; et les deux opérations de l’Alliance, en Afghanistan et au Kosovo, sont actuellement commandées par des généraux français.
Nous encourageons le mouvement de transformation de l’Alliance et nous sommes un des éléments moteurs de la Force de réaction rapide de l’Otan.
Nous sommes largement impliqués dans la mise sur pied de la nouvelle structure de commandement de l’Otan, dans laquelle la part des officiers français sera accrue.
Les capacités dont disposeront ainsi les pays européens seront cohérentes avec le nouveau contexte de sécurité. Elles pourront aussi être employées dans des opérations de l’Union européenne dans le cadre de la PESD.
C’est ainsi, en prouvant au quotidien notre attachement à l’Alliance, que nous pourrons continuer à inspirer la PESD. Nous voulons vraiment garder ce cap, et nous n’autorisons personne à douter de notre sincérité sur cette stratégie.
La France crédible grâce à une politique de sécurité et de défense globale
Enfin, la France, pour sa crédibilité, s’est dotée d’une politique de sécurité globale. Comme je l’avais affirmé ici même, il y a un an, les terroristes ne s’arrêtent pas aux frontières.
C’est pourquoi la mobilisation de l’ensemble du gouvernement pour la sécurité et la défense de nos concitoyens reste une priorité de tous les instants.
La protection de nos ressortissants et de nos intérêts, que ce soit en France ou à l’étranger, est un impératif national. Cela signifie pour nous, d’abord un devoir d’évaluation, de prévention, mais aussi de préparation, de protection, et de précaution.
L’évaluation est un enjeu fondamental.
C’est pourquoi le président de la République a tenu à améliorer notre dispositif par la création du Conseil de sécurité intérieure.
C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité dynamiser le Comité interministériel du renseignement.
Prévention et préparation ensuite : j’ai demandé l’actualisation et la modernisation des plans gouvernementaux de sécurité.
La nouvelle planification Vigipirate permet d’associer plus étroitement la population à travers ses élus, ainsi que les opérateurs des grands services publics, qui sont les partenaires privilégiés de l’État.
Protection et précaution enfin : sûreté aérienne et maritime, surveillance des installations nucléaires, risques NRBC, infrastructures de transport et d’énergie, grands complexes industriels et systèmes d’information : le gouvernement a sélectionné et hiérarchisé ces différentes priorités.
Ces démarches se sont accompagnées d’une relance de la politique d’exercices et d’une systématisation du retour d’expérience.
Notre système de réponses, en effet, se veut gradué, adapté, souple, opérationnel, facilitant la communication gouvernementale, et formalisant les procédures et les responsabilités.
Il est articulé autour de niveaux d’alerte et de risques crédibles, aisément compréhensibles des acteurs mais aussi lisibles et clairs pour nos concitoyens.
Dans ce contexte, nos forces jouent un rôle essentiel, qu’il s’agisse de la police, de la gendarmerie ou de nos armées. La mobilisation, à hauteur de 20 000 hommes, a ainsi été décisive, par exemple pour assurer la sécurité lors des cérémonies du 60e anniversaire des débarquements en Normandie et en Provence.
Conclusion
La défense de la France ne commence pas à nos frontières, elle commence à tout le moins à celles de l’Europe. C’est pourquoi il est essentiel que l’Europe soit au cœur de vos études. C’est un immense espace de progrès pour la sécurité des peuples européens. La présence d’auditeurs européens, américains et représentants d’organisations internationales constitue à cet égard une chance supplémentaire d’enrichir votre perception des enjeux mondiaux.
Le concept de défense français dépasse la seule notion de défense militaire pour recouvrir une dimension globale à laquelle toute la société doit adhérer.
Aujourd’hui, une impulsion nouvelle est nécessaire afin de mieux impliquer le citoyen dans ces processus.
Il vous appartient de promouvoir cet esprit de défense en prolongeant, à l’issue de cette année à l’IHEDN, votre engagement auprès de nos concitoyens et de l’ensemble des Européens. Je compte sincèrement sur vous pour que cette action soit menée avec toute votre force et toute votre conviction, acquises ici par le partage de vos connaissances.
C’est pour moi l’occasion de dire toute l’importance que j’attache aux travaux menés par les anciens auditeurs sur le thème de « la jeunesse et de l’engagement face aux grandes problématiques de sécurité et de défense ».
Cette réflexion, qui mobilise les réseaux nationaux, régionaux, européens, mais aussi ceux des trinômes académiques, alimentera le Congrès des auditeurs en octobre 2005 et les secondes rencontres des auditeurs en octobre 2006 ; deux événements organisés par l’Union des associations de l’IHEDN et qui témoignent du dynamisme réel de l’Institut.
Cette mobilisation de toutes les compétences, de toutes vos compétences et bonnes volontés est la raison d’être de l’IHEDN. Nous y sommes très attachés. Et j’attends beaucoup de ces travaux.
« L’Europe n’a jamais su devenir ce qui aurait pu la faire naître : une concrétisation vécue de son imaginaire » disait Romain Gary il y a trente ans. Il faisait partie de cette vague d’intellectuels qui doutaient de l’Europe. Edgar Morin affirmait : « Il n’y a plus d’Europe, l’Europe un mot qui ment ».
Il y avait au lendemain de cette difficile déchirure beaucoup d’incrédibilité sur la capacité à créer une perspective commune, un espace commun. Et pourtant, l’histoire a démenti et le romancier et le sociologue. L’imaginaire européen se concrétise progressivement. L’Europe élargie a aujourd’hui rendez-vous avec son histoire. Elle se dote des nouveaux instruments de politique extérieure et de défense. Elle prend toute sa place sur la scène internationale et doit jouer un rôle affirmé dans la solution des conflits du monde.
Nous nous engageons, pour notre part, dans cette entreprise. L’Union européenne est désormais le cadre naturel et le démultiplicateur nécessaire de notre influence. Elle constitue un levier d’efficacité pour la France, mais aussi un espace de protection pour ses idées et pour ses valeurs.
J’ai eu l’occasion de le souligner récemment durant la conférence des ambassadeurs : nous devons réussir notre destin franco-européen. C’est une exigence pour notre génération. Réussir ce destin, c’est équilibrer notre impératif de souveraineté et notre ambition européenne. C’est à nous, je crois, qu’il revient aujourd’hui de faire partager cette perspective aux Françaises et aux Français.
Je suis persuadé qu’après vos travaux, vous aurez conscience de cette urgence d’Europe pour la paix du monde, pour la paix des citoyens du monde. Nos efforts sont aujourd’hui ceux d’un pays qui montre au monde qu’il est capable, dans des situations économiques difficiles, d’investir pour la défense et la sécurité de ses citoyens, premières de leurs libertés.
En montrant ces efforts, nous montrons que la France est fidèle à ses valeurs, que la France est fidèle à ses convictions, que la France est fidèle à son message universel : un message de paix ! ♦
(1) L’intégralité du texte est disponible sur le site : www.premier-ministre.gouv.fr.
(2) Tzvétan Todorov : Le nouveau désordre mondial. Réflexion d’un Européen.
(3) « L’UE, pilier d’un monde nouveau », Le Monde, 22 septembre 2003.