L'agriculture française en face du marché mondial
Si l’année 1948 est chargée de lourdes appréhensions quant à la paix mondiale, si dans de nombreux pays, européens comme extra-européens, les risques d’agitation sociale — à base plus ou moins politique — troublent les esprits et les choses, par contre, il est un secteur, le secteur agricole, dont on a plaisir à enregistrer l’amélioration. Les perspectives de production agricole s’annoncent favorables non seulement dans les pays traditionnellement exportateurs, mais aussi, et c’est peut-être le plus important, dans les zones soit habituellement importatrices, soit exceptionnellement déficitaires du fait de la guerre et de ses suites.
Certes, il ne peut se faire aucune illusion : nous ne sommes pas à la veille de la prospérité : nous sommes même fort éloignés du niveau d’avant-guerre qui, on le sait, était déjà insuffisant puisqu’en dépit de surproductions locales, il n’y avait cependant alors qu’un peu plus du quart — nous disons bien du quart — de la population du globe qui disposait de la ration considérée comme normale par les nutritionnistes (2.709 calories par jour). La production mondiale atteindrait-elle d’ailleurs son volume de 1938 que nous serions au demeurant toujours en régression sur cette époque, la population de l’univers entier ayant, depuis dix ans, augmenté dans une proportion qui doit être de l’ordre de 10 %. Ce fait de l’accroissement du nombre des parties prenantes — en un mot, des bouches à nourrir — est généralement passé sous silence et son omission a souvent pour conséquence de fausser les jugements que l’on peut porter sur la situation.
Quoi qu’il en soit, le progrès qu’il est loisible de constater sur le chapitre des ressources alimentaires mondiales par rapport aux campagnes précédentes, et spécialement en comparaison de l’an dernier, est un facteur particulièrement heureux et nous dirions même qu’il est, en quelque sorte, un gage de paix ou, plus modestement, un élément modérateur des chances de guerre. Les questions de ravitaillement ne sont-elles pas en effet parfois la cause, ou le prétexte, de perturbations sociales qui, affaiblissant les nations qui en sont les victimes, peuvent être génératrices de plus vastes conflits.
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