Éditorial - Intelligence économique et renseignement
L’implosion du monde soviétique et la disparition de la menace militaire correspondante ont entraîné une réorientation drastique de la finalité et des objectifs de la communauté du renseignement américain. Le facteur économique a largement pris le pas sur le facteur militaire avant que les événements dramatiques des cinq dernières années donnent une plus grande actualité à la dimension sécuritaire.
La dimension économique du renseignement américain demeure essentielle afin d’atteindre un des objectifs stratégiques des États-Unis qui est d’empêcher l’émergence, dans n’importe quelle partie du monde, d’une puissance politique économique ou militaire capable de lui disputer, à terme, le leadership mondial. À ce titre, et au plan économique, l’Europe et donc la France sont des cibles traitées en priorité.
En France, la première prise de conscience date de 1994, année de la publication du rapport Martre qui introduit le néologisme d’« intelligence économique ». Il faut cependant attendre 2003 et la publication du rapport Carayon « Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale » pour sensibiliser le monde politique et voir la mise en place progressive de structures (Haut fonctionnaire chargé de l’intelligence économique, Délégation générale de l’intelligence économique au sein du ministère de l’Économie…) dont il est trop tôt pour juger à la fois de la pertinence et de l’efficacité.
Il convient de noter que la France aborde, tardivement, ce combat avec deux handicaps majeurs :
- l’un culturel : l’intelligence économique est fille légitime du renseignement, or le renseignement ne fait pas partie de notre culture politique où les services sont considérés en priorité comme des sources potentielles de risques qu’il convient de maîtriser en nommant à leur tête des hommes choisis d’abord sur des critères de fidélité avant les critères de compétence. Cette méfiance et ce désintérêt se retrouvent à tous les niveaux de la société française : fonctionnaires, diplomates, industriels, commerçants…
- l’autre structurel : notre organisation jacobine, où la lumière vient d’en haut, ne facilite pas l’initiative locale et la remontée spontanée des informations.
L’enjeu, même s’il est loin d’être le seul et le plus important, si on le compare au développement de l’informatique de puissance par les États-Unis, demeure essentiel. C’est pourquoi la revue Défense Nationale, qui avait traité uniquement du renseignement en janvier 1998, vous propose ce dossier intitulé « Intelligence économique ou renseignement ? » ♦