On ne peut réduire à la seule Turquie le débat sur les frontières de l’Europe. Celui-ci doit comprendre toutes les bordures, notamment la Russie et la Méditerranée. Cela permet de comprendre que l’Europe ne peut absorber tous ses confins. Ne pas donner de limites à l’Europe, c’est au fond dénier à l’autre son identité, c’est ouvrir la voie à une domination, voire à une colonisation.
Europe : au-delà de la frontière linéaire
Le débat actuel sur l’éventuelle accession de la Turquie à l’Union européenne pose en filigrane la question des frontières de l’Europe. L’inconscient collectif répète à l’envi la formule traditionnelle « de l’Atlantique à l’Oural », héritage de notre géographie scolaire à laquelle nous ne prêtons plus attention. Dans cette zone imprécise, aussi vague que sont les souvenirs d’enfance, nul ne sait précisément où est l’Oural, rare celui qui différencie Caspienne et mer Noire (faites le test !). Turquie, Russie, deux pays des confins, marches imprécises si loin du centre ! Et le débat sur la Turquie pourrait tout aussi bien se renouveler à propos de la Russie : européenne ? Asiatique ? Ou encore, dans cette mauvaise formule qui croit tout résoudre alors qu’elle obscurcit, eurasienne ?
Frontières de l’Europe : sortir du cas turc
Le débat occasionné par la question turque n’est donc pas celui de la Turquie, mais celui de l’Europe et de ses limites. Il paraît justement intéressant de sortir du cas d’espèce turc, de lier la Russie et la Turquie dans une même approche, pour éviter de s’enfermer dans une logique religieuse, celle du caractère non-musulman de l’Europe, ou de son caractère non-orthodoxe : deux impasses, car l’Europe est d’abord un projet géographique et politique.
Géographiquement, l’Europe est un cap : au-delà de la formule, il y a une définition. L’Europe est un triangle défini par deux de ses côtés : pour faire simple, l’Atlantique à l’ouest et la Méditerranée au sud. Le troisième côté, celui de l’est, n’est pas fermé. L’Europe, géométriquement, est un triangle d’eau. Faire ce constat, c’est admettre une indétermination, celle du troisième côté. Au fond, quelle est la frontière orientale du continent ? Qu’est-ce qui la sépare de l’Asie ?
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