La difficile élection présidentielle en Abkhazie, cette petite République sécessionniste géorgienne, a encore montré combien la Russie restait impliquée dans cette partie du monde. Tout semble pourtant indiquer que ce sécessionnisme abkhaze va aujourd'hui à l'encontre des intérêts stratégiques de Moscou. Dès lors, il convient de souligner toute l'ambiguïté de la politique étrangère russe. En ce sens, la question abkhaze apparaît aussi comme un révélateur des erreurs politiques russes dans le Caucase, et en Géorgie plus particulièrement.
Présidentielle abkhaze : quelle diplomatie pour Moscou ?
Pas moins de deux tours ont été nécessaires pour que l’Abkhazie se trouve enfin un « président » le 12 janvier dernier. Deux tours et trois mois pendant lesquels la petite République géorgienne de facto indépendante, pour reprendre le jargon des Nations unies, a dangereusement flirté avec la guerre civile. Paradoxalement, dans cette région où l’ethnie titulaire, celle des Abkhazes, représente probablement moins d’un tiers de la population totale (1), ces tensions n’ont pas été le fait d’autres ethnies — Arméniens ou Mingrèles, par exemple — mais celui de clans abkhazes. Divisés entre pro-Bagapch et pro-Khajimba, ils se sont emparés à tour de rôle de la Cour de Justice, de la radio-télévision d’État, de l’immeuble du gouvernement, du Parlement, de l’administration présidentielle ; ont fait pression sur les juges, la Commission électorale, etc. pour tenter de tourner le résultat des votes à leur avantage.
Omniprésence russe
C’est pourtant l’omniprésence de la Russie que l’on retiendra surtout de ces trois derniers mois. En pesant de tout son poids dans le processus électoral abkhaze, celle-ci a certes défendu ses intérêts, mais elle a aussi réussi à éviter que ne coule le sang dans une région à vif où ni l’Europe ni les États-Unis ne veulent s’engager autrement qu’avec des mots ; tout comme en mai 1994 elle avait été la seule à pouvoir imposer aux parties géorgienne et abkhaze les accords dits de Moscou.
Les manœuvres russes ont aussi une nouvelle fois donné une image très négative du Kremlin, renforcée encore par des manœuvres analogues, plus au nord, en Ukraine. Vladimir Poutine n’en a cure visiblement. Il sait que l’Europe, les États-Unis, l’OSCE et l’ONU ne s’engageront dans cette région très complexe et très sensible que sur la pointe des pieds et avec mille précautions. Il sait également que le problème abkhaze ne peut se régler entre les seules Russie et Géorgie. Même si Moscou venait à abandonner sa politique de soutien à Soukhoumi, ce geste ne serait pas suffisant pour ramener la paix. Car après tout, on ne le souligne jamais assez, ce sont bien les Abkhazes, et eux seuls, qui recherchent l’aide de la Russie. Ils sont donc en définitive seuls maîtres de leur destin et de celui de leur région : paix ou guerre, indépendance, fédération, rattachement à la Russie, etc. Bien entendu, Moscou a joué leur jeu en les aidant, en leur ouvrant sa frontière, officieusement tout d’abord, puis officiellement, en distribuant aux plus riches des passeports russes, etc.
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