Le centre de gravité de l’Asie centrale se déplace aujourd’hui de l’Ouzbékistan vers la Caspienne, en particulier vers l’Azerbaïdjan. Plusieurs impératifs, qui tous s’imposent à Washington, concourent à cette évolution : tout d’abord la pression, voire la gesticulation, que les États-Unis sont en train d’agencer autour de l’Iran pour l’amener à renoncer à ses ambitions nucléaires ; ensuite la nécessité pour les Américains, qui ne sont en force ni au Caucase ni en Asie centrale (Cf. « Asie centrale : la poudrière et les allumettes », Défense Nationale, avril et mai 2005), d’assurer la surveillance du pétrole caspien en passe d’affluer en Méditerranée orientale ; enfin l’intérêt pour la Maison-Blanche de prendre à revers la Russie, puissance qui lui résiste encore et qui peut peser lourdement à l’avenir sur ses approvisionnements en gaz. Toutes ces exigences désignent dans l’immédiat un Schwerpunkt, l’Azerbaïdjan, mais aussi, à terme, un enjeu principal : le Kazakhstan et ses ressources. La partie qui commence pourrait faire passer du « Très Grand Jeu », de plus en plus mouvementé, aux grandes manoeuvres où les pressions, voire l’intimidation, seront monnaie courante. Acculés dans leurs retranchements, mais disposant encore de quelques atouts, les Russes et les Iraniens tiendront-ils face à la percée américaine ? Les Russes resteront-ils du côté des Iraniens ?
Le nœud caspien : percée américaine et réplique russo-iranienne
Étrange visite que celle de Donald Rumsfeld ce 12 avril à Bakou ! Inattendue, entourée de secret, elle s’est déroulée sur l’aéroport de la ville en l’absence du président Ilham Aliev parti quelques heures auparavant en visite officielle au Pakistan. De passage dans la capitale azerbaïdjanaise pour la troisième fois en trois ans, le chef du Pentagone se serait donc contenté, aux dires de l’ambassadeur local américain, de parler avec le Premier ministre et son homologue « de l’aide des États-Unis pour la mise en œuvre du partenariat entre l’Otan et l’Azerbaïdjan ». C’était oublier, comme l’a souligné un journaliste, « qu’un groupe d’officiers américains était déjà arrivé à Bakou ». Qu’y font-ils ?
Évoquant cette visite, le Wall Street Journal ajoutait, le 12 avril : « Les militaires portent une attention accrue aux nouvelles régions pétrolières en même temps que le pays (l’Amérique) se prépare à des problèmes d’approvisionnement. Cette décennie, les États-Unis projettent de dépenser cent millions de dollars pour la garde de la Caspienne, réseau de détachements de police et d’unités spéciales en mesure de réagir à des situations de crise, y compris à des attaques contre les installations pétrolières » (1).
Quelle que soit la soif des Américains pour les hydrocarbures, leur attribuer une projection à 12 000 kilomètres de chez eux pour le seul motif énergétique est un peu réducteur. Même si cette motivation demeure fondamentale, il existe, bien sûr, d’autres raisons à leur intrusion entre Asie centrale et Caucase, par exemple une double prise à revers de la Russie et surtout de l’Iran. Une analyse de l’enjeu énergétique, du défi iranien et du jeu des grandes puissances nous éclairera sur les motivations des États-Unis mais aussi sur la nouvelle aventure dans laquelle ils se lancent.
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