Dix ans après la publication du Livre blanc de 1994, au regard aussi bien des critères retenus pour la définition du triptyque d’intérêts, que de l’accélération des changements de l’environnement sécuritaire ou de l’imbrication de plus en plus perceptible de certains intérêts nationaux et européens, il a semblé justifié à un groupe d’officiers du Chem de mener à nouveau une réflexion sur la définition et la défense des intérêts de la nation. Cet article a été rédigé bien avant le référendum sur le Traité constitutionnel.
Les intérêts stratégiques de la France
La fin de la guerre froide a conduit la France à adapter son système de défense par la rédaction du Livre blanc de 1994. Son principal objectif était d’évaluer le nouvel environnement international, mais aussi les paramètres susceptibles d’avoir un impact sur l’organisation, le format et les moyens des forces armées. Au-delà d’une volonté affirmée de préserver la dissuasion nucléaire, le Livre blanc définissait un triptyque d’intérêts aux frontières volontairement floues, qu’il s’agisse d’intérêts vitaux, stratégiques ou de puissance.
Les intérêts stratégiques et les scénarios associés s’étant révélés les plus déterminants pour les décisions ultérieures en matière d’effort de défense, ils ont été essentiellement définis sur la base de considérations géoéconomiques et selon une démarche « patrimoniale ». Or, les dimensions économique, sociétale et environnementale ont, depuis, pris une importance croissante pour la conduite des affaires internationales. La mondialisation de menaces dont la dangerosité réside précisément dans leur caractère diffus, une conception nouvelle des relations entre États, moins « alliés-adversaires » que « partenaires-concurrents », la brièveté du temps « politique » par rapport au temps « stratégique » qui s’inscrit davantage dans la durée, sont autant de facteurs qui conduisent à mener une nouvelle analyse des intérêts fondamentaux de la Nation.
Se pose également aujourd’hui de façon cruciale la question de l’existence d’intérêts, dont la promotion et la préservation sont susceptibles d’être partagées avec d’autres acteurs, notamment dans le cadre de l’Union européenne (UE). Le Livre blanc de 1994 plaçait au cœur des objectifs de la politique de défense nationale la construction de l’Europe, en particulier de son architecture de sécurité. À ce dernier objectif reste aujourd’hui associée une vision du rôle de l’UE dans le maintien de la sécurité mondiale et des moyens à lui consacrer ; cette vision n’est pas nécessairement partagée par nos partenaires.
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