Moscou eût-il pu être pris en 1941 ? (I) Le plan de manœuvre allemand contre la Russie : sa gestation — sa mise en œuvre jusqu’à Smolensk
L’historien futur du deuxième conflit mondial ne manquera pas de marquer l’année 1941 comme une des crises essentielles de ce drame violent. Peut-être apparaît-il dès maintenant que, de juin à décembre 1941 et, plus précisément même, au cours du mois d’août, se décida le sort de la guerre ou tout au moins s’évanouit la chance, à vrai dire assez fragile, d’une mise hors de cause de l’Empire des Soviets par les armées du IIIe Reich. Plus que le hasard des batailles, une erreur de conception stratégique n’a-t-elle pas précipité le cours des destins ? Il est, en tout cas, intéressant d’examiner, à la lecture des archives militaires allemandes, le conflit intellectuel qui opposa Adolf Hitler aux meilleurs esprits de l’Oberkommando des Heeres (ou O. K. H.) et, plus particulièrement, au général Halder, chef d’État-major du feld marschall von Brauschitsch.
Un des principaux éléments d’une manœuvre, à plus forte raison d’un plan de campagne, réside évidemment dans la définition des axes d’effort et des objectifs. Aussi bien, cette notion élémentaire s’est-elle matérialisée, dans la doctrine de guerre allemande, sous le terme désormais classique de Schwerpunkt (1). L’étude du début de la campagne germano-russe de 1941 met bien en lumière l’importance capitale d’un choix judicieux du Schwerpunkt.
Dès l’échec de la bataille aérienne d’Angleterre et des tentatives diplomatiques d’aboutir à un compromis germano-britannique, Adolf Hitler revint à la conception centrale de sa politique extérieure : la destruction de la puissance soviétique. S’agissait-il, en battant la Russie, d’assurer au IIIe Reich un hinterland profond et sûr, aux ressources agricoles et industrielles abondantes, en vue d’alimenter une guerre longue contre les puissances de la mer ? Ne s’agissait-il pas plutôt de liquider tant bien que mal, en le rendant sans objet, un conflit probablement regretté avec le grand peuple anglais des « Germains de la Mer », pour en revenir au but déjà proposé dans Mein Kampf d’un nouveau Drang nach Osten et d’étendre, à travers les riches plaines de l’Ukraine, jusqu’aux barrières protectrices de la Volga, face à l’Asie un formidable empire de 200 millions d’Allemands désormais sans rival militaire terrestre sur le continent européen ? Malgré tout son intérêt, la question ne fait pas l’objet de cette étude…
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