Burnous bleu - Tombô vert les spahis du 1er Marocain dans l'entre-deux-guerres au Levant
Burnous bleu - Tombô vert les spahis du 1er Marocain dans l'entre-deux-guerres au Levant
Je ne sais ce qui représente le mieux le Spahis marocain, si c’est cette troupe de musiciens, la « nouba », interprétant une musique tirée du folklore populaire arabe et berbère. Cette musique lancinante ou domine le son nasillard de la reïta, les percussions du bendîr et de la tablâ, précédant avec quatre trompettes le capitaine et son fanion lors des déplacements…
À moins que ce ne soit l’allure des chevaux Barbes rustiques, revêtus de ce « harnachement spécial aux Spahis » : étrivières courtes à l’arçon caractéristique coloré au ponceau d’un rouge vif, tout comme la bride de cuir de bœuf rouge quadrillé aux dessins imprimés au fer chaud. Harnachement complété par le bissac, la toile de tente roulée derrière la palette, la guedda, et le sabre incliné pour faciliter la prise par le cavalier monté…
Et puis ce cavalier… ce farouche guerrier déjà décrit par les auteurs dans Du burnous rouge au burnous bleu le racontant durant la Grande Guerre. Ce cavalier d’exception, à l’allant et au mordant légendaires, habité du plus bel esprit de sacrifice, capable d’arrêter et de repousser une attaque au sabre, de rester à pied, son cheval tué sous lui ou plaqué contre sa monture, ajustant un tir avare de cartouche, accroché au terrain malgré le feu violent, restant en place jusqu’au dernier moment, pour à nouveau galoper vers d’autres victoires.
Les trois sont indissociables. En fait, c’est tout cela le Spahis, et beaucoup d’autres choses encore que les auteurs nous offrent à découvrir de 1920 à 1938 dans « l’Orient compliqué », au Levant. L’ouvrage est comme toujours superbe, encore une fois la magie opère.
Abondamment pourvu en photographies, cartes avec force détails, dessins et croquis, cet ouvrage comme les précédents se prête à la lecture agréable d’une épopée méconnue mais riche en rebondissements. Un rappel, en première partie, donne quelques points de repères sur l’histoire des relations internationales du Levant pour la période considérée. Et la narration commence… Après avoir endossé le burnous bleu et le tombô vert orné de passementeries, crié le traditionnel « en selle », les auteurs nous entraînent pour notre plus grand bonheur vers des horizons mythiques : Damas, le djebel druze, Alep, Constantinople, le mont Liban et la plaine de la Bekaa. Quelques noms de lieux à la puissance évocatrice certaine.
Que l’on ne s’y trompe pas, le sous-titre évoque le temps de paix entre les deux conflits mondiaux, « l’entre-deux-guerres » pour les spahis c’est encore une fois un enchaînement de combats, de victoires éphémères oubliés par l’histoire, d’escarmouches ou de manœuvres sous le feu nourri, de déplacements en colonne où l’ennemi embusqué attend la faute, tentant de désagréger le bel ensemble de la troupe. Le bilan des citations est digne des plus grands moments de la Grande Guerre.
Pendant les opérations de cet « entre-deux-guerres », les Spahis du 1er Marocain ont compté 183 blessés et ont perdu 93 des leurs. Chevauchant comme à l’accoutumée avec fierté et bravoure, ils ont rendez-vous avec des combattants d’exceptions eux aussi : Turcs réguliers ou irréguliers de l’Empire ottoman déchu, soldats chérifiens de l’émir Fayçal, tribus alaouites, Tchétés Kémalmistes, Bédouins du Hauran et de l’Euphrate et l’irascible Druze. De rudes combattants eux aussi, si redoutables les armes à la main.
Alors, si le Spahis c’est cette nouba, cette selle si particulière, ce combattant d’exception à la silhouette si caractéristique, alors ce nouvel ouvrage de la « saga » des spahis mérite encore une fois la plus grande attention. Un pur moment d’épopée.
À réserver à ceux que l’histoire intéresse, la vraie ; celle qui se raconte avec pudeur par ceux qui l’ont faites, le soir au bivouac, à mi-voix, autour d’un feu de bois sous un ciel étoilé. ♦