Les militaires français issus de l'immigration
Les militaires français issus de l'immigration
À la demande du Centre d’études sociales de la défense (C2SD), l’Institut français de relations internationales (Ifri) a mené, de septembre 2003 à juin 2005, une enquête sociologique approfondie auprès de 54 militaires français dont la répartition est la suivante :
– 14 gendarmes, 17 Terre, 8 Air et 15 Marine ;
– 26 de famille algérienne, 13 marocaine, 4 tunisienne, 2 turque, 5 d’Afrique noire ;
– 8 officiers et aspirants, 22 sous-officiers, 10 personnels féminins, 14 du rang.
Des entretiens semi-directifs ont permis de recueillir des données intéressantes sur les raisons de l’engagement, l’attachement à l’origine ethnique et à la religion, les valeurs auxquelles ils adhèrent et leurs attentes. Les entretiens conduisent à retenir les caractéristiques majoritaires suivantes :
– ayant connu échec scolaire et chômage, liés à des militaires proches, ils sont issus de familles nombreuses, de condition modeste, et qui sont fières de leur choix ;
– attachés à la France et à sa politique, aux valeurs de discipline et de cohésion (l’armée, c’est carré, c’est une famille), ils sont plus français qu’européens, ils souhaitent qu’on leur fasse confiance et aspirent à faire carrière ;
– indifférents envers la double nationalité, ils restent attachés à leurs racines culturelles, mais sans faire preuve de communautarisme (sauf les Dom-Tom) ni de multiculturalisme ;
– 44 % des musulmans interrogés pratiquent leur religion de façon personnelle et laïcisée, ils adoptent des compromis avec la boisson, le ramadan et la viande hallal (le porc reste interdit) ;
– l’engagement militaire transforme leur personnalité et constitue une rupture avec leur mode de vie antérieure et avec les copains qui les accusent de trahison ;
– ils subissent des discriminations et du racisme de la part des camarades, mais non de la hiérarchie ; ils restent distants des officiers qui leur paraissent trop « catho » (et leur femme BCBG) ;
– le personnel féminin, plus diplômé que les garçons, regrette d’être cantonné dans des tâches non-opérationnelles.
Un officier marinier de Toulon apporte quelques réserves à ces observations. Il souligne quelques cas de délinquance qu’il faut remettre dans le droit chemin (vols, cannabis, trafic avec l’Algérie).
Le rapport conclut par des propositions pour le respect des interdits alimentaires, la lutte contre la ségrégation et la mise en place d’aumôniers musulmans (rapport déposé le 30 juin 2005 par le lieutenant-colonel Miloud Aït Hocine à ce sujet). Il est difficile de savoir si l’échantillon retenu est représentatif, la Loi informatique et liberté interdisant la référence aux ethnies et aux religions. Une estimation indique 6 % d’immigrés sur le porte-avions et 4 % dans un régiment.
On peut penser que le renoncement à la double nationalité devrait être imposé aux candidats à l’engagement. ♦