Texte de l’intervention du sénateur Hubert Haenel à la réunion de Portcullis House (25-26 avril 2006) portant sur l’avenir de l’Union de l’Europe occidentale (UEO). L’auteur y milite pour un rapprochement de l’Assemblée de l’UEO avec la Cosac pour en faire une structure unique de contrôle de la PESD.
Rôle indispensable des Parlements nationaux dans la construction de l'Europe de la défense
The essential role of national parliaments in the construction of a European defence dimension
Text of a speech given by Senator Hubert Haenel at the meeting at Portcullis House (25-26 April 2006) to discuss the future of WEU. The author argues for a link between the WEU Assembly and the COSAC (Conference of Community and European Affairs Committees of Parliaments of the European Union) in order to establish a single organisation with oversight of ESDP (European Security and Defence Policy).
Les résultats négatifs des référendums en France et aux Pays-Bas, en mai 2005, ont révélé une coupure entre la construction européenne et les citoyens ; car le malaise qui s’est exprimé n’était pas propre à ces deux pays fondateurs.
Un des aspects de ce malaise est le sentiment d’un déficit de démocratie : l’Europe paraît lointaine, obscure, trop peu contrôlée.
Cette question est particulièrement importante dans le cas de la PESD. Je crois que les citoyens sont globalement favorables à ce que l’Europe s’affirme davantage en matière de sécurité et de défense ; mais ces domaines sont au cœur des souverainetés nationales. Les questions traitées sont sensibles entre toutes. Le développement et l’approfondissement de la PESD sont donc inconcevables sans un contrôle parlementaire effectif à tous les échelons.
Or, nous sommes dans un domaine où le Parlement européen n’a guère de légitimité pour intervenir. La PESD est une politique de nature intergouvernementale, et le Parlement européen n’est pas habilité à contrôler les gouvernements nationaux. De toute manière, ce sont les Parlements nationaux qui votent les budgets de défense et qui autorisent, le cas échéant, l’engagement des forces dans un conflit.
Contrôle parlementaire
C’est donc essentiellement sur les Parlements nationaux que peut et doit reposer le contrôle de la PESD. Ce contrôle doit s’exercer en partie à l’échelon national, dans le cadre des relations de chaque Parlement avec son gouvernement, mais il doit tout autant s’exercer à l’échelon de l’Union : au travail collectif des gouvernements doit répondre le contrôle collectif des Parlements.
Quelles doivent être les caractéristiques d’un tel contrôle ? Il doit, je l’ai dit, reposer essentiellement sur les Parlements nationaux. Il doit être effectif : cela suppose qu’il y ait un véritable dialogue avec le Conseil des ministres, que ce dialogue soit régulier, organisé, et que les parlementaires nationaux disposent d’un minimum de moyens collectifs en termes administratifs comme en terme d’expertise. Enfin, ce contrôle doit être « visible » par les citoyens : il doit s’organiser dans une enceinte identifiable et ne pas être dispersé dans des réunions ponctuelles.
Aujourd’hui, nous ne disposons pas d’un instrument répondant pleinement à toutes ces caractéristiques.
Nous avons, traditionnellement, chaque semestre, la réunion des présidents des commissions chargées de la défense dans chaque Parlement. Ces réunions, qui restent de caractère « informel », sont certes utiles pour l’échange d’informations et de bonnes pratiques, mais ne sont pas un instrument de contrôle.
L’Assemblée de l’UEO
C’est donc sur l’Assemblée de l’UEO que repose aujourd’hui le contrôle : elle est la seule enceinte européenne dans laquelle des parlementaires nationaux peuvent assurer un suivi régulier des questions de sécurité et de défense, incluant un dialogue avec des responsables gouvernementaux.
La qualité des travaux de l’Assemblée est bien connue : je peux le dire, puisque je n’en suis pas membre ! Mais sa position est fragile. Le devenir du traité de l’UEO est incertain. Le statut de l’Assemblée ne la rattache pas directement à l’Union européenne, alors que celle-ci a repris à son compte les activités de l’UEO et ses structures opérationnelles. Cette situation complexe ne fait pas de l’Assemblée une institution aisément identifiable par les citoyens. De plus, l’obligation que les délégations soient celles siégeant à l’Assemblée du Conseil de l’Europe apparaît comme un handicap.
L’Assemblée de l’UEO est aujourd’hui irremplaçable ; mais nous devons réfléchir à une formule permettant de préserver ses acquis tout en lui donnant une base au sein de l’Union.
La Cosac
Le problème a été évoqué au sein de la Convention sur l’avenir de l’Europe ; évoqué mais non résolu. Il aurait fallu un débat approfondi sur cette question, et ce débat n’a pas eu lieu. De ce fait, l’apport du traité constitutionnel est très modeste. Il se limite à une disposition du protocole sur les Parlements nationaux. Cette disposition concerne la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires et européennes des Parlements de l’UE (Cosac) (1). Elle précise que celle-ci « peut également organiser des conférences interparlementaires sur des thèmes particuliers, notamment pour débattre des questions de politique étrangère et de sécurité commune, y compris la politique de sécurité et de défense commune ».
Cette solution est manifestement insuffisante : des conférences interparlementaires ponctuelles ne peuvent absolument pas répondre au besoin d’un contrôle démocratique effectif de la PESD.
En revanche, je crois que l’idée d’intégrer la Cosac dans la réflexion sur l’avenir du contrôle de la PESD est une idée intéressante. La Cosac, aujourd’hui, a seulement pour vocation de réunir les commissions européennes des Parlements nationaux ; mais elle a le mérite, depuis le traité d’Amsterdam, d’avoir une base dans le droit primaire de l’Union. Par ailleurs, un principe de base de la Cosac est que tous les pays membres sont représentés à égalité, ce qui est bien adapté au contrôle des politiques intergouvernementales. Le Parlement européen, quant à lui, est représenté par six de ses membres, comme le sont chacun des Parlements nationaux. Il peut ainsi être écouté.
Vers un organe unique
Nous devrions donc réfléchir à un rapprochement entre l’Assemblée de l’UEO et la Cosac, afin d’avoir à terme un organe unique, qui reprendrait les attributions et les moyens de l’Assemblée de l’UEO, et aurait une composition appropriée lorsqu’il traiterait des questions de sécurité et de défense. Il conserverait, également, les attributions actuelles de la Cosac et le principe de l’égalité entre pays membres. Nous aurions ainsi une enceinte unique, identifiable par les citoyens, dotée d’un minimum de moyens et d’une base dans les traités ; et dont la composition s’adapterait selon les sujets abordés. Les Parlements nationaux disposeraient ainsi d’un instrument pour leur rôle collectif.
D’une manière générale, nous ne parviendrons pas à avancer vraiment dans la construction européenne si nous ne parvenons pas à associer plus efficacement les Parlements nationaux. Comment espérer progresser dans des domaines comme la sécurité et la défense sans s’appuyer sur ces Parlements qui représentent les peuples ? Pour
s’approfondir, la construction européenne doit élargir sa légitimité. Le rôle des Parlements nationaux est donc une question-clé pour le développement de la PESD. ♦
(1) La Cosac est un organe de coopération entre les commissions des Parlements nationaux spécialisées dans les affaires européennes et les représentants du Parlement européen. Chaque pays envoie six de ses parlementaires aux réunions biannuelles de la Cosac. Les Parlement nationaux des pays candidats ou en cours d’adhésion sont également invités à envoyer trois observateurs chacun.