Questions de sécurité. Sociétalisation des réponses, globalisation des menaces
Questions de sécurité. Sociétalisation des réponses, globalisation des menaces
La privatisation de la sécurité et le repositionnement des acteurs traditionnellement chargés d’y faire face (police, forces armées, douanes) vis-à-vis du phénomène « d’insécurité globale » dont nul État ne peut s’affranchir est au cœur de nombre de réflexions.
Autrefois apanage régalien de l’État, le « marché » de la sécurité, de plus en plus axé sur une « sociétalisation » des réponses face à ce qu’il est convenu d’appeler, comme nous y invite l’ouvrage, la globalisation des menaces, se porte bien.
En effet, le besoin de sécurité, tant dans sa composante intérieure (notamment en ce qui concerne la sécurité des biens et des personnes) que dans son acception extérieure (intégrant par là-même le champ de la réflexion stratégique) occupe de plus en plus d’acteurs étatiques et non-étatiques, avec certaines dérives dont l’actualité récente nous a donné un aperçu…
Le Centre d’études et de recherches sur la police (Cerp), associé au Centre « Morris Janowitz » Forces armées et sécurité (ex-Cersa, Centre d’études et de recherche sur l’armée), laboratoires de recherches tous deux rattachés à l’Institut d’études politiques de Toulouse ont ainsi eu l’idée pertinente d’organiser en novembre 2005 un séminaire rassemblant une dizaine de jeunes chercheurs, avec la volonté de s’affranchir de la frontière entre sécurité intérieure et défense nationale et en confrontant les problématiques tant du point de vue interne qu’au niveau international.
Cet ouvrage collectif, qui reprend ces travaux, présente plusieurs cas transversaux qui traduisent un appel certain en direction de la société, qui font désormais des citoyens les acteurs majeurs de la production de sécurité.
Dès lors, plusieurs exemples concrets, pris le plus souvent dans une approche comparative permettent de comprendre cette évolution, en particulier en analysant le développement de la réserve, opérationnelle et citoyenne – à travers le cas exemplaire de la gendarmerie, le recours de plus en plus fréquent de la part des collectivités locales à la vidéo-surveillance – tant en France qu’en Grande- Bretagne. Néanmoins, au-delà de ces apports dans le dispositif visant à faire face à des phénomènes de plus en plus généralisés d’incivilité et d’insécurité chroniques dans nos sociétés, l’ouvrage ne fait pas l’impasse sur les dérives qui peuvent en découler.
Ces nouvelles formes de privatisation de la coercition à l’extrême peuvent également être analysées à travers la démarche américaine visant à confier les interrogatoires de prisonniers (notamment dans des théâtres extérieurs d’opérations) à des employés de firmes privées, alors que cette fonction reste un des attributs de la puissance régalienne de l’État.
Ainsi, le recours par défaut à la pratique des polices communautaires ou de proximité, en particulier aux États-Unis, peut être compris comme le degré ultime d’abandon de la mission de service public de la sûreté.
Par ailleurs, l’évocation par Abdou Fall et Jean-Charles Biagui de la dérégulation du maintien de l’ordre en Afrique subsaharienne, qui accompagne la privatisation de la sécurité, le mercenariat, notamment à travers l’irruption des sociétés de services, et la « milicianisation » de la guerre en sont deux autres exemples particulièrement éclatants.
En même temps que ces nouveaux acteurs prenaient leur place dans le jeu de la prévention, régulation, protection et répression pour in fine chercher à garantir la sécurité pour tous les citoyens, on assiste à un repositionnement des services officiels chargés traditionnellement de la sécurité afin de faire face aux nouvelles menaces, en particulier le terrorisme international.
Les réponses et les écueils – principalement d’ordre éthique et moral, entre sécurité collective et garantie des libertés individuelles – semblent être de ce point de vue assez similaires selon que l’on se trouve au Japon, aux États-Unis, en Argentine ou en Afrique, où la menace terroriste a fait son apparition somme toute assez tardivement.
Ces réponses peuvent ainsi être d’ordre normatif, juridique, policière voire induisant un repositionnement des missions des forces armées. Elles ramènent en tout cas à une prise en compte d’un réinvestissement de l’autorité publique en parallèle à cet « appel à la société », qui en s’appuyant sur le phénomène de la « peur » et de l’insécurité permettent une mobilisation collective où chacun à sa place, comme l’évoque à juste titre François Dieu. ♦