La France, l'Europe, l'Otan : une approche géopolitique de l'atlantisme français
La France, l'Europe, l'Otan : une approche géopolitique de l'atlantisme français
Chercheur à l’Institut français de géopolitique, l’auteur affiche clairement dans cette étude son parti pris pour l’Otan. Manifestement hostile à la politique d’autonomie stratégique gaullienne et à l’émergence d’une Europe de la défense dégagée de l’orbite américaine, l’auteur envisage l’alliance euro-américaine comme la seule réponse possible aux défis sécuritaires post-11 septembre. Sa proximité avec la pensée « réaliste » des néo-conservateurs américains est assez explicite. Il reprend d’ailleurs comme motif structurant le syllogisme du « fossé » budgétaire-capacitaire entre Américains et Européens développé par Robert Kagan dans son livre La Puissance et la faiblesse.
Le principal mérite de cet ouvrage est de rappeler – à rebours du simulacre de rupture qu’a représentée la prise de position chiraquienne à l’occasion de la guerre d’Irak – la remarquable continuité de la politique atlantiste de la France. Disqualifiée par l’auteur comme faussement « héroïque », la décision du général de Gaulle de rompre avec l’Otan constituerait la matrice d’une fantasmatique anti-américaine déconnectée des réalités stratégiques du contexte polémologique contemporain, chimère qui aurait tendance à distordre la perception de la force et de la constance du lien transatlantique. Il montre avec justesse à quel point les réticences gouvernementales à l’égard de l’Otan, qualifiées de « dissonances cognitives », sont une façade qui relève avant tout de l’affichage politique et démagogique.
Si cette étude constitue indubitablement un solide outil documentaire pour qui veut avoir à sa disposition un panorama relativement exhaustif des problématiques atlantistes qui structurent le débat stratégique français, on peut lui reprocher son caractère par trop descriptif et formel. En effet la concaténation de réalités historiques et factuelles ne saurait, à elle seule, constituer un argumentaire tangible en faveur de la sécularisation otanienne de la politique de défense française. Sans doute l’ouvrage trouve-t-il là sa borne génétique : moins argumentaire que mise en scène d’une vérité de facto, le plaidoyer s’instruit de sa propre tautologie, comme si le constat de la pérennité de l’alliance euroatlantique constituait à lui seul un dogme stratégique incontournable. Nombre d’arguments développés par l’auteur sont d’ailleurs facilement réversibles, car n’est-ce pas justement la mainmise de l’Otan sur les politiques de défense des États membres de l’Union qui entrave le développement capacitaire d’une véritable Europe de la défense, évolution évidemment crainte et retardée par les États-Unis ? Précieux donc par son détail documentaire, cet ouvrage reste problématique d’un point de vue idéologique. Des points d’achoppement majeurs, comme la guerre d’Irak ou la question de l’article 41 du défunt Traité de Constitution supranationale, sont ainsi relégués au rang de simples épiphénomènes.
La préface de Pierre Lellouche, thuriféraire bien connu de la solidarité transatlantique, qui tend à poser l’atlantisme dans une posture victimaire et marginale, alors qu’il est majoritaire dans les sphères de décision gouvernementale et militaire, ne fait que rajouter à ce sentiment de malaise. Sans doute faudrait-il rap peler à Jean-Sylvestre Mongrenier cette phrase d’Alain Joxe : « En tant que modèle de technicité interarmées, interalliée, interagences et facteur de perfectionnement électronique, l’Otan peut séduire des intérêts militaires professionnels, ou des dynamiques techniciennes d’entreprises, mais cela ne peut remplacer un accord stratégique et politique profond sur des raisons communes de s’allier dans des guerres. » En effet, la défense de l’alliance euro-américaine, surtout quand elle va à l’encontre des intérêts stratégiques nationaux et de la souveraineté populaire, n’est-elle pas un « chemin qui ne mène nulle part » ? ♦