Asie - Le Pakistan se vend à la Chine, l'Inde s'interroge
Les visites effectuées fin novembre 2006 en Inde puis au Pakistan par le président chinois Hu Jintao confirment les politiques différentes adoptées par l’Inde et le Pakistan à l’égard de leur puissant voisin du nord.
L’Inde s’interroge sur la boulimie chinoise, sur sa volonté de développer les relations commerciales et d’investir dans les industries de télécommunications et dans les infrastructures portuaires et aéroportuaires. Elle veut préserver ces secteurs qu’elle considère comme sensibles ; mais elle ne refuse pas de coopérer dans d’autres domaines et d’ouvrir ses frontières terrestres tout en maintenant un sévère contrôle des importations.
L’ouverture du col de Nathu, au Sikkim, en 2006, facilite les échanges transhimalayens jusqu’à présent limités à deux points de passage, dans les États d’Uttaranchal et d’Himachal Pradesh. L’Inde propose l’ouverture de deux autres points à Demchok, dans la vallée de l’Indus, au Ladakh, partie nord du Cachemire et près de Bomdila, en Arunachal Pradesh. L’augmentation des liaisons maritimes reçoit également son approbation. En revanche, elle oppose un refus à la conclusion d’un accord de libre-échange de peur d’être inondée de produits chinois.
Les deux pays envisagent de porter leurs échanges à 40 milliards de dollars en 2010, en comparaison des 20 milliards actuels. Ils veulent aussi favoriser le tourisme en espérant 500 000 visiteurs par an dans chaque pays. Au total, 13 accords ont été signés. En quelque sorte et indépendamment des résultats de la rencontre au sommet, somme toute maigres et même nuls en ce qui concerne le différend frontalier, les dirigeants des deux pays les plus peuplés du monde ont lancé comme un message implicite, proclamant qu’ils représentent l’avenir.
Le Pakistan a signé avec empressement pendant la visite du président chinois 18 accords dont un de libre-échange qui sera surtout favorable à la Chine. L’objectif est de porter les échanges à 15 milliards de dollars d’ici 2011. Les produits chinois vont déferler de plus en plus, acheminés par voie maritime, à Karachi mais aussi à Gwadar, sur la côte baloutche du Makran où les Chinois participent à la construction d’un port en eau profonde, et par voie terrestre, via la route du Karakoram ouverte en 1978 dont le tracé sera amélioré et doublé. Le Pakistan souhaite servir de corridor d’acheminement du gaz et du pétrole du Moyen-Orient grâce à un gazoduc et un oléoduc qui seraient construits entre Gwadar et le Xinjiang, parallèlement à la route du Karakoram. La réalisation de ces projets permettrait à la Chine de diversifier ses itinéraires d’approvisionnement, jusqu’à présent uniquement maritimes. Il est en concurrence avec les oléoduc et gazoduc envisagés entre l’Iran et l’Inde via le Pakistan qui pourraient se prolonger jusqu’à la province chinoise du Yunnan. Si les projets vers le Xinjiang se réalisaient, ils conforteraient le rôle du Pakistan comme pont entre la Chine et les pays arabes. lslamabad voudrait convaincre les Chinois de construire une raffinerie géante à Gwadar, à l’image de celle en construction en Inde, à Jamnagar, destinée, elle, à alimenter le marché américain. De plus, la coopération nucléaire va se renforcer bien qu’aucun accord semblable à celui signé par l’Inde et les États-Unis n’ait été conclu. Par ailleurs, la Chine reste pour le Pakistan un fournisseur d’armement, pour les trois armées, terre, air (avions de chasse JF 17, construits en commun et avions de détection lointaine type Awacs) et mer (frégates 22 P). Le Pakistan se jette dans les bras de la Chine. Et pourtant, celle-ci n’acquiesce pas à tous ses souhaits, notamment en ce qui concerne le Cachemire, préférant désormais adopter une attitude neutre en prônant des discussions entre Indiens et Pakistanais.
Par ailleurs, la Chine consolide sa présence au Bangladesh, dont elle utilise le principal port, Chittagong. Elle a aussi entrepris la construction d’un port en eau profonde à Hambantota, dans le Sud du Sri Lanka et s’intéresse à un point d’attache aux Maldives. ♦