L’armée française expédiée pacifiquement dans des régions en crise pour y maintenir la paix y est engagée sans autre orientation politique que la paix et avec des contraintes qui contrarient des principes stratégiques et tactiques fondamentaux. Privée de politique, cette conception pacifiste de l’emploi des forces secrète en France de subtils dévoiements de la pensée parmi des élites politiques, intellectuelles et militaires qui conçoivent l’action militaire dans de tels engagements.
Incidences des opérations de paix sur l'emploi de l'Armée française
The effect of peace operations on the employment of the French Army
French forces sent to maintain peace in crisis regions are committed without any political guidance other than keeping the peace, and under constraints which run contrary to fundamental strategic principles and tactics. Without policy guidance, this pacifist conception of force employment tends to lead to subtle deviations in the thinking of those political, intellectual and military elites who plan the military element of these commitments.
Depuis plus d’un quart de siècle, nos élites politiques et militaires ont adopté la conception pacifiste de la gestion des crises qui prévaut dans les enceintes de l’ONU. Elles acceptent ainsi d’user des soldats français dans des opérations de paix et de prendre le risque de les interposer entre deux belligérants sans que soit assigné à leur action d’autre objectif politique que la paix. Privée d’une politique, cette conception de l’emploi de nos forces armées secrète leur inefficacité et leur insécurité. Tentant de pallier cette absence de politique, la pensée doctrinale militaire en est quelque peu dévoyée.
Conception pacifiste de la gestion des crises
Cette conception découle de deux contradictions fondamentales qui travaillent l’ONU.
La première est d’ordre politique. Elle est bien connue. Le projet onusien entend substituer le règlement pacifique des différends au recours à la force. La paix dans le monde y est rêvée comme fin dernière, comme un état résultant de la primauté d’un droit international sur le politique. Ce projet est incompatible avec les intérêts étatiques ou les logiques de puissance, mais la plupart des États trouvent avantage à en entretenir la fiction. C’était vrai au temps de la puissance soviétique ; sa disparition n’a rien changé. Certes, l’ONU a obtenu des succès dans des domaines où les enjeux furent mineurs ; mais que survienne une crise majeure, et des dissensions politiques ou idéologiques parfois radicales se cristallisent. Alors, on recherche le plus petit dénominateur commun politique, souvent proche de zéro. On propose, on négocie et finalement, le Conseil de sécurité adopte des résolutions dépourvues de résolution politique.
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