L'Amérique et l'Europe : la dérive des continents ?
L'Amérique et l'Europe : la dérive des continents ?
Thierry Chopin, directeur des études de la Fondation Robert Schuman, enseignant à l’IEP et au sein du Collège interarmées de défense (CID), pointe du doigt l’absence de prise en compte sérieuse et réciproque de la relation transatlantique, pourtant gage de la construction politique européenne.
Sommes-nous, soixante années après la libération et le Plan Marshall, à l’orée d’une inexorable « dérive des continents » ? Phénomène paradoxal qui, en séparant davantage les pays européens des États-Unis, tant dans leurs modèles économiques et politiques, leurs valeurs sociétales constitutives, que dans la divergence de leurs intérêts, caractérise les deux espaces et confirme in fine la communauté de destin qui unit les peuples des deux espaces.
Comme le rappelle l’auteur, la question de la nature des relations entretenues entre les deux rives de l’Atlantique pose intrinsèquement celle de l’identité de l’Europe, en particulier sur la scène internationale. Loin donc des clichés de l’antiaméricanisme primaire et de l’europhobie, cet ouvrage pose sur la table quelques-unes des principales interrogations qui peuvent refonder le dialogue, de part et d’autre, d’autant plus nécessaire que les défis auxquels Européens et Américains doivent faire face sont bien souvent semblables (terrorisme, prolifération d’armes de destruction massive, sécurité énergétique, protection de l’environnement, montée en puissance de l’Inde et de la Chine, retour sur la scène internationale de la Russie…).
S’il est vrai que le fossé transatlantique grandit – tant du point de vue moral que matériel – notamment quant aux moyens dégagés pour l’affirmation de la puissance, le divorce est-il pour autant totalement consommé ? Rien n’est moins sûr. Car ce qui a pu être perçu comme une négation du multilatéralisme et de sa légitimité à réguler le système international, pourtant base de la légitimité du droit international contre l’arbitraire et la force, est pourtant révélateur de la puissance, qui fait cruellement défaut aux Européens, et qu’ils cherchent en même temps eux aussi à acquérir…
La thèse de cet essai est que l’avenir serein de la relation transatlantique repose sur des visions différentes, quoique pas forcément diamétralement opposées dans ce qui conditionne l’État-Nation (l’État, la Nation et la souveraineté) et in fine la démocratie.
La conclusion se devine aisément, à savoir que l’Europe et l’Amérique ne sont pas opposées dans leurs visions identitaires, mais peut-être plus simplement n’ont pas la même hiérarchie de leurs objectifs. Nous sommes donc peut-être simplement en train d’expérimenter des « trajectoires similaires et décalées, dont résultent des aveuglements symétriques (…) », qu’analyse précisément l’auteur. ♦