Extraits du discours de M. Hervé Morin, ministre de la Défense, à l’Université de la Défense à Toulouse, le 11 septembre 2007 (www.defense.gouv.fr).
Consolider nos alliances
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Politique européenne de sécurité et de défense
Notre priorité, vous n’en serez pas surpris, est de soutenir et de relancer la Politique européenne de sécurité et de défense.
Je vous cite les pistes sur lesquelles nous sommes en train de travailler.
• Renforcer les capacités de planification et de commandement de l’UE : notamment en rendant permanent le centre d’opérations de l’UE.
• Développer les capacités militaires européennes et l’Europe de l’armement, notamment spatiales et de transport stratégique, et rationaliser les différentes initiatives européennes en matière d’armement.
• Rendre les forces européennes mieux interopérables, en européanisant par exemple la formation initiale des officiers et en simplifiant les forces multinationales européennes (Corps européen, la Force de gendarmerie européenne…).
• Partager la sécurité commune entre les Européens, par exemple pour mieux coordonner si nécessaire l’évacuation de ressortissants européens lors d’une crise régionale.
• Développer un financement européen de la défense. Le budget européen devrait commencer à financer des actions liées à la défense. La défense européenne ne doit pas se limiter à l’addition de financements nationaux. Si l’on veut faire partager à nos partenaires européens nos préoccupations en matière de défense, il faut que les institutions européennes s’impliquent, notamment par des décisions budgétaires.
• Lutter en mer contre les trafics et l’immigration clandestine.
L’Otan
La deuxième direction, c’est l’Otan. Et ma conviction est que l’Europe de la défense ne progressera pas si nous ne changeons pas de comportement politique au sein de l’Otan. Depuis que je suis ministre de la Défense, je constate que, alors que nous sommes les meilleurs élèves de l’Otan — tant par notre participation budgétaire, qui représente 11 % de la dépense totale, que par nos contributions régulières et significatives aux générations de forces — nous sommes trop souvent ceux qui chipotent et qui barguignent, comme si nous voulions donner le sentiment de vouloir empêcher l’Otan de se transformer.
Ces progrès de la défense européenne, que nous souhaitons ardemment, ne s’inscriront pas dans une compétition, dépassée, avec l’Otan. Le président de la République l’a clairement souligné le 27 août, rappelant notre rôle dans la création de l’Alliance atlantique et le niveau actuel de notre contribution, à la fois en termes de forces et de budget. Nous sommes en train de réfléchir aux moyens de mieux articuler la politique européenne de défense et l’Otan, ce qui passe par une réflexion sur notre engagement au sein de l’Otan, en pesant le pour et le contre. Permettez-moi de vous livrer quelques réflexions qui me sont toutes personnelles.
Le pour
Le pour, nous le connaissons.
• En fait, pourquoi ne pas tirer toutes les conséquences de notre situation actuelle : la France est de fait dans l’Otan, elle en est un bon élève, mais nous n’en tirons pas tous les bénéfices, notamment en termes d’influence et dans les postes de commandement.
• Il nous est plus difficile d’orienter utilement la transformation de l’Otan, et ainsi de répondre au nouveau contexte stratégique, dans la situation actuelle.
• Nous avons moins d’influence sur les opérations militaires que mène l’Otan dans des théâtres où nous sommes engagés ensemble.
Le contre
Il y a donc des éléments qui nous amènent à penser qu’il faut avancer sur le chemin commencé en 1996, mais permettez-moi aussi de vous exposer le contre, et qui à mon sens ne doit pas être balayé d’un revers de la main.
• Le coût en termes d’officiers et de cadres, mais aussi de budget, il faut que nous le mesurions précisément.
• Le risque. Notre pays a un penchant naturel, celui de la facilité, et nous pouvons toujours craindre qu’avec le temps nous nous reposions sur l’Otan pour notre défense, comme le font certains de nos voisins européens. Le risque, c’est bien une moindre souveraineté.
• L’inconvénient, c’est l’affaiblissement de notre position internationale, qui pourrait apparaître alignée. Si nous continuons à être perçus comme ce que nous sommes, c’est-à-dire un pays ayant une politique étrangère et militaire autonome, capable de porter un autre message au sein de la communauté occidentale, ce n’est pas uniquement par le talent de notre politique extérieure, mais c’est aussi parce que nous ne sommes pas intégrés au sein de l’Otan. Il faudra bien mesurer cela, car je crois que c’est un élément très important à mettre dans la balance.
Jamais, à mon sens, nous ne ferons progresser l’Europe de la défense si nous ne clarifions pas notre position dans l’Otan. C’est ma conviction profonde. Car pourquoi voudriez-vous que nos partenaires perdent confiance dans un système qui a assuré la paix depuis cinquante ans pour un système qui n’existe pas encore ?
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