Iran, le choix des armes ?
Iran, le choix des armes ?
François Heisbourg, analyste passionné et passionnant des relations internationales, nous offre dans son dernier ouvrage une analyse lucide, inquiétante et dérangeante sur la problématique du nucléaire iranien En cet automne 2007, les perspectives ne sont guère encourageantes et le sujet est désormais sur la table de tous les forums internationaux, au point de faire faire des dérapages verbaux à certains responsables politiques.
L’Iran, de fait, s’était lancé sous le régime du Shah dans les années 70 dans un ambitieux programme nucléaire avec le soutien de l’Occident. Cette politique d’accès au nucléaire a donc évolué au cours de ces trente dernières années avec des objectifs aujourd’hui dangereux. À la maîtrise de l’atome à des fins de production énergétique, s’est suivie une course en avant visant à maîtriser la totalité du cycle nucléaire civil et surtout militaire avec notamment l’enrichissement de l’uranium dont le processus semble désormais être au point pour les techniciens iraniens.
L’Iran a des ambitions régionales clairement avouées dans un espace particulièrement crisogène et dont l’instabilité quasi permanente est une menace pour la paix mondiale. L’auteur retrace ainsi le cheminement tortueux et ambigu suivi par les dirigeants iraniens pour mener à bien leurs projets nucléaires. Il faut souligner ici le rôle particulièrement trouble du Pakistan, avec le docteur Khan, « père » de la bombe pakistanaise, et de la Corée du Nord, qui ont su avec habileté fournir des plans, des ingénieurs et des moyens techniques à des pays pour le moins suspects comme la Libye (aujourd’hui plus raisonnable) et l’Iran.
Les conséquences de la guerre en Irak puis l’arrivée au pouvoir en août 2005 du président ultra-conservateur Ahmadinedjad ont accéléré les travaux iraniens. Alternant les phases de négociations et d’ouverture avec des déclarations provocantes réclamant la destruction de l’État d’Israël, le régime des mollahs profite efficacement et visiblement des difficultés américaines en Irak.
Pour François Heisbourg, l’Iran pourrait franchir le seuil « irréversible » du nucléaire militaire d’ici 2010, c’est-à-dire, demain ! Cela se traduirait de facto par une menace majeure et permanente et un risque inacceptable qui déborderait largement l’arc moyen-oriental des crises pour entraîner une confrontation des mondes occidentaux et musulmans. Cette hypothèse – la plus déstabilisante – implique une réaction forte et crédible de la communauté internationale, alors même que celle-ci ne présente pas un front uni face à Téhéran. Il convient d’analyser les divergences, voire les antagonismes entre les principaux acteurs que sont l’ONU, l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), les États-Unis « très hostiles », l’Union européenne plutôt favorable au compromis, la Russie déjà engagée auprès de l’Iran avec le programme laborieux de la centrale de Bousher, la Chine à l’ambiguïté tout asiatique, les pays arabes très inquiets et bien sûr Israël totalement opposé.
Or, le « temps manque tragiquement » face aux progrès des scientifiques et techniciens iraniens. Et les solutions pour résoudre cette crise ne sont pas légion. Actions diplomatiques, sanctions économiques, frappes militaires… Les options possibles ne laissent guère de place à l’optimisme.
François Heisbourg nous propose, avec un talent certain, trois scénarios possibles pour les deux à trois années à venir autour des thèmes suivants, coopération, compromission et confrontation, allant ainsi d’un retour de l’Iran enfin raisonnable dans la communauté internationale, à la guerre où le nucléaire et le terrorisme seront au rendez-vous pour le plus grand malheur de la planète.
La question de la prolifération nucléaire, autour du programme iranien, est aujourd’hui une réalité centrale des relations internationales. Or, il convient pour l’Union européenne, et plus particulièrement pour la France – puissance nucléaire – d’être un acteur central de la solution, en liaison avec nos Alliés américains, malgré le discrédit actuel de l’Administration Bush suite au fiasco irakien. Et l’heure des décisions est proche.
Le livre de François Heisbourg, d’une lecture aisée et agréable, arrive à point nommé et ce n’est pas un hasard alors que les travaux du Livre blanc viennent de commencer. Il reste à souhaiter que ses conclusions confirment l’importance des besoins de notre défense face à une menace – en l’occurrence iranienne – plus réelle chaque jour et qui pourrait frapper nos intérêts vitaux. ♦