La théorie libérale semble avoir gagné la bataille des idées, or elle est foncièrement incompatible avec l’idée d’obligation militaire. De fait, comment défendre, y compris jusqu’au sacrifice, une société dont la finalité est la préservation de ma personne ? Comment croire que le développement économique mènera nécessairement à la disparition des conflits ? En réponse au paradoxe libéral, il est nécessaire de réhabiliter le conflit ; ambivalent, il est aussi utile et créateur. Surtout, il nous faut refonder l’obligation militaire en réactivant des valeurs collectives au sein de nos sociétés libérales. La pratique d’un socle minimum de vertus communes est le terreau indispensable à la notion d’obligation collective. Un patriotisme retrouvé et une communauté de conviction autour des intérêts nationaux iront de pair avec l’affirmation renouvelée de valeurs universelles pour justifier l’obligation militaire.
Libéralisme et obligation militaire
Liberalism and military duty
Liberal thinking seems to have come out on top in the battle of principles and yet it is fundamentally incompatible with the concept of military duty. How can one defend to the death a society whose aim is one’s own preservation? How can one believe that economic development will necessarily lead to the end of all conflict? To respond to this liberal paradox, we have to look at conflict in a different light, which can be useful and creative. Above all, we have to create a new basis for military duty by rekindling common values within our liberal societies. Working from a fertile base level of common values is essential to the notion of collective obligation. Rediscovered patriotism and common conviction with regard to national interests will go hand in hand with renewed commitment to these universal values in justifying military duty.
La pensée libérale semble avoir, au moins temporairement, gagné la bataille des idées au point qu’elle se revendique comme la seule idéologie universelle. Les deux faces de cette pensée, le libéralisme politique avec le Droit comme puissance tutélaire et le libéralisme économique avec le Marché comme nouvelle divinité, sont en train de s’imposer dans le monde entier. Or, la théorie libérale est foncièrement incompatible avec l’idée d’obligation militaire (1), elle est même née d’un refus de la guerre, en réaction à l’horreur des guerres de religion. L’obligation militaire appartient à ces obligations collectives instituées dans une société au nom du bien commun. Elle fonde la légitimité de l’usage de la force des armes et justifie l’existence d’une catégorie particulière, les militaires, pour la mettre en œuvre.
Pour rétablir aujourd’hui l’obligation militaire, il est nécessaire de réactiver au sein de nos sociétés libérales, dont nous apprécions par ailleurs les grands bienfaits, des valeurs collectives. Ces valeurs s’étendent sur une large gamme, elles commencent par la mise en œuvre de règles simples et quotidiennes dans la vie en commun, se complètent d’un patriotisme retrouvé, et vont jusqu’à l’affirmation de valeurs universelles.
Libéralisme et obligation militaire, une cohabitation difficile
L’incompatibilité théorique entre libéralisme et obligation militaire doit nous interroger. Les idées ne demeurent pas toutes dans le ciel de la théorie, il arrive qu’elles soient mises en pratique, pour le malheur ou le bonheur des hommes. À cet égard, le libéralisme est exemplaire puisque sa mise en œuvre a été précédée de trois siècles de maturation philosophique et que son avènement ne doit ni au hasard ni à la nécessité (2).
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