Caroline Aigle : vol brisé
Caroline Aigle : vol brisé
Au cours de l’été 2007, une icône du monde de l’aéronautique décédait brutalement, victime d’un cancer foudroyant. Caroline Aigle quittait ce monde à l’âge de 33 ans quelques jours après avoir donné naissance à son deuxième enfant. L’émotion a été très vive et bien au-delà de l’Armée de l’air. Jean-Dominique Merchet, le journaliste « défense » du quotidien Libération, touché par cette disparition, nous propose un portrait attachant qui retrace le parcours de la première pilote de chasse française à partir de très nombreux témoignages.
Issue d’une famille militaire avec un père médecin militaire trop vite décédé et un frère lui aussi médecin militaire, Caroline Aigle a vécu sa jeunesse au gré des affectations de son père notamment en Afrique avant d’entamer sa scolarité secondaire au lycée militaire de Saint-Cyr l’École puis de préparer les concours des grandes écoles scientifiques au Prytanée de La Flèche. Elle réussit les épreuves d’entrée de Polytechnique, mais aussi de Normale Sup Ulm et de l’Ensieta.
Et ce qui frappe, c’est la volonté permanente et qui l’a suivie tout au long de sa trop courte vie, d’être une sportive accomplie avec un beau parcours en triathlon qui lui a permis de récolter les titres et les victoires. Lors de sa scolarité à l’X, elle effectue son stage d’aspirant dans l’Armée de terre au 13e Bataillon de chasseurs alpins où l’effort physique et la rusticité de la vie sur le terrain lui vont à merveille. À l’issue de son séjour à Palaiseau, elle décide de relever un défi inédit : devenir pilote de chasse, et elle rejoint Salon-de-Provence. Elle franchit toutes les étapes sans être la plus brillante. Son parcours, si dense, est d’abord le fruit d’un travail et d’un acharnement à réussir. Elle n’est pas le meilleur pilote, mais elle bûche. Par ailleurs, elle devient l’objet d’une attention médiatique certaine sans que cela ne la transforme en une vedette égoïste. Non, elle est pilote de chasse militaire avant d’être un symbole. C’est ainsi qu’elle ne se sent pas une pionnière par rapport aux grandes dames que sont Valérie André ou Claudie Haigneré. Militaire sans être « mili borné », Caroline Aigle a effectué un parcours sans faute dans un milieu essentiellement masculin, mais où ce qui compte demeurent le professionnalisme et la rigueur. Il s’agit de faire Top Gun sans l’aspect paillettes et superficiel car le monde de la chasse exige de la performance et de la technique.
Caroline avait décidé en 2006 de se lancer dans un nouveau challenge alors qu’elle avait réussi le concours du Collège interarmées de défense : postuler au recrutement des spationautes prévu en 2008 par l’Agence spatiale européenne. Hélas, la maladie l’a vaincue.
Caroline Aigle est l’exemple de ce que notre méritocratie républicaine propose à ceux qui veulent vivre leur rêve et leur passion. Elle n’a pas bénéficié de passe-droit, elle n’a réussi que grâce à son travail et à sa volonté de monter toujours plus haut. On est loin de la superficialité des Star Ac et autres machines à illusion.
Jean-Dominique Merchet a ainsi fait œuvre utile avec cette biographie où l’émotion et l’admiration montrent combien des femmes comme Caroline Aigle sont des exemples à suivre y compris par les garçons. Il est aussi à l’honneur de l’institution militaire de donner toutes leurs chances – malgré encore de nombreux bastions machistes – aux femmes militaires.
Caroline Aigle, même si elle s’en défendait, appartient bien à l’élite des pionniers du ciel. ♦