François Heisbourg et Bruno Tertrais, l’un et l’autre experts en stratégie, parlent de la bombe iranienne. Bombe potentielle ? C’est, à les croire, comme si c’était fait. Le pessimisme n’est pas anodin ; il est fauteur de prolifération. Le dernier mot est à René Girard qui, poussant Clausewitz « aux extrêmes », annonce l’apocalypse.
Parmi les livres - Heisbourg, Tertrais, Girard (René)… et Clausewitz
Le 12 décembre dernier, sur le plateau de France 2 animé par Frédéric Taddéï, on discutait de la bombe iranienne. Le débat fut très chaud entre sceptiques et inquiets, les premiers accusant les seconds de pousser au crime, ce qui ne plaisait pas du tout à ceux-ci. François Heisbourg et Bruno Tertrais étaient fort en colère, se soutenant l’un l’autre dans leurs prévisions alarmistes. Le sujet, grave, méritait mieux que cette empoignade. Reprenons-le à la lecture des livres que ces deux spécialistes ont publiés à la fin de l’année (1).
La thèse de François Heisbourg est dans la première phrase de son livre : « La paix et la guerre nucléaires dans le monde dépendent de l’avenir des ambitions nucléaires iraniennes ». Qu’un de nos politologues les plus renommés parle de « guerre » nucléaire fait frémir. Les grands prêtres de la dissuasion française — il en reste quelques-uns — crieront au sacrilège.
Cela étant dit, la documentation de l’auteur est parfaite, ce qui renforce l’attention que l’on doit porter à son livre. Le lecteur suivra les méandres des ambitions iraniennes, très claires du temps du Chah, rejetées au nom d’un bon islam par l’imam Khomeyni, reprises enfin après le choc de la guerre avec l’Irak. Ambitions nucléaires civiles, la cause est entendue et ne fait pas problème. Ce sont les éventuelles visées « militaires » qui le font. Pour justifier l’affolement actuel, Heisbourg développe trois arguments de valeur inégale. Le premier, incontestable en soi, est la révélation de l’existence, à Natanz, d’une usine d’enrichissement et, à Arak, d’un projet de réacteur plutonigène ; la révélation, faite en août 2002, émane des Moujahidines du Peuple, mouvement marxiste d’opposition en exil. Le second argument, technique, est excellent : l’Iran dit enrichir son uranium en vue de son utilisation civile alors qu’aucune centrale n’est là pour l’utiliser ; encore qu’un programme existe, prévoyant 20 000 MW en 2020. Le troisième argument est à demi recevable : comme il est beaucoup plus facile de passer de 5 % d’enrichissement à 90 % que d’obtenir les 5 % initiaux, le plus gros du travail est déjà fait. Conclusion : l’accession de l’Iran à l’arme nucléaire est à sa portée.
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