En s’appuyant sur les opérations conduites récemment par la Marine nationale en Méditerranée et les opportunités qu’offre l’organisation française de l’Action de l’État en mer (AEM), l’auteur décrit le rôle potentiel que pourraient jouer les Marines méditerranéennes, en particulier en haute mer. Le cadre de leur action est nécessairement international et interministériel pour bénéficier d’une réelle synergie au service de la sécurité d’un espace méditerranéen dont la stabilité, sans cesse remise en question, conditionne pourtant la prospérité des nations qui la bordent.
Les opérations maritimes en Méditerranée
Maritime operations in the Mediterranean
The author describes the present and future roles of navies, particularly on the open sea. The framework of their actions is necessarily international and interdepartmental in order to profit from synergy of effort. This synergy helps maintain the security of the Mediterranean region by guaranteeing stability that in turn promotes prosperity in the nations that surround it.
Le déséquilibre observé depuis longtemps entre les rives Nord et Sud de la Méditerranée, portant sur les différences de niveau de vie des populations mais aussi les modes de gouvernance des sociétés et la sécurité des populations, a des conséquences sensibles sur les trafics illicites observés aujourd’hui en mer. Ces trafics sont susceptibles de croître encore de manière significative au cours des prochaines années si l’écart de développement s’accentue. Les groupes mafieux et terroristes pourraient être les grands bénéficiaires de cette évolution. Les marines, à la fois armées de mer mais aussi marines de service public, ne peuvent se désintéresser de cette situation dans la mesure où la menace terroriste et le trafic d’armes, en particulier celles de destruction massive (ADM), ou le trafic des composants associés, pourraient tirer avantage d’une augmentation des trafics d’immigration clandestine ou de drogue. Les capacités des marines en haute mer sont en effet complémentaires de celles détenues par les administrations ou services étatiques dans les approches. Elles doivent coopérer dans un cadre non seulement national avec les administrations concernées mais également international pour prévenir l’entropie de l’espace méditerranéen. Les marines doivent aussi continuer à adapter leurs moyens aux risques et menaces d’aujourd’hui, mais également leur doctrine d’emploi selon la traduction en droit interne de l’évolution du régime juridique de la haute mer. C’est à ces conditions qu’elles pourront apporter une contribution efficace à la lutte contre des groupes criminels toujours plus décidés et imaginatifs pour perpétrer leurs forfaits.
Les marines en haute mer
Au cours de l’année 2007, la Marine française a participé en Méditerranée à trois missions qui caractérisent bien l’évolution constatée de ses engagements en mer depuis plusieurs années. La première devant les côtes du Liban a vu une frégate française opérer en coopération avec la marine libanaise pour contribuer à la formation de ses équipages dans le domaine de la surveillance côtière dans une zone de forts trafics et éviter ainsi l’entrée au Liban d’armements interdits. La deuxième en Méditerranée centrale pour la surveillance de la pêche au thon rouge et de l’immigration clandestine en coopération avec les pays de la zone ; c’est ainsi qu’une de nos frégates a été amenée à récupérer des cadavres, conséquence d’un naufrage qui avait eu lieu quelques jours auparavant. Enfin, la troisième mission a mis à contribution de nombreuses unités de la Marine nationale pour lutter contre le trafic de drogue en Méditerranée occidentale en coopération avec l’Espagne et dans un cadre interministériel. Ces trois missions illustrent la nécessité pour les pays riverains de la Méditerranée de mieux assurer ensemble leur sécurité en surveillant leurs côtes et de lutter contre les trafics illicites, source de déséquilibres pour les économies concernées et de financement occulte de groupes terroristes et mafieux. Les marines, en coopération avec les autres administrations concernées, ont un rôle important à assumer dans cette lutte de longue haleine qui conditionne l’avenir des sociétés sur le pourtour méditerranéen.
Elles possèdent en effet des moyens robustes et puissants qui permettent à leurs équipages d’affronter durablement les réalités difficiles de la haute mer et d’agir avec une large palette de possibilités, en délivrant au besoin des armements de précision au moment opportun compte tenu de l’évolution générale de la situation. Ces capacités à durer et à agir en haute mer peuvent ainsi être utilisées dès le temps de paix pour informer et soutenir l’action des services répressifs de l’État, chargés de lutter contre les trafics illicites en mer. Ces services sont dotés en général de moyens leur permettant d’agir essentiellement dans les approches et par conditions météorologiques peu sévères. Or le succès de la lutte contre ces trafics repose en partie sur la recherche dans la profondeur des mobiles incriminés qui, au cours de leur périple, sont souvent conduits à emprunter la haute mer où des conditions de mer beaucoup plus difficiles peuvent être rencontrées. D’où l’intérêt d’un État de souhaiter une mise en commun des différents moyens qu’il possède pour établir une continuité dans la recherche et le suivi des navires suspects tout au long de leur transit, dans un esprit également d’économie des moyens. C’est la voie choisie depuis longtemps par la France qui a confié à sa marine le soin de conduire les opérations maritimes avec les différentes administrations opérant en mer, sous la coordination du préfet maritime.
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