Artilleurs en Algérie (1954-1962), un défi relevé
Artilleurs en Algérie (1954-1962), un défi relevé
Des canons en guerre subversive ? À quoi bon ? Et pourtant… Un coup d’œil sur les tableaux de stationnement des unités d’artillerie en Algérie, révèle une présence significative. Partant des trois RAA (Régiment d’artillerie d’Afrique) traditionnels des trois vieux départements d’Alger, Oran et Constantine, on décompte 18 groupes d’artillerie en 1955, 49 en 1956, 71 en 1958 et 74 en 1961, soit 55 000 hommes dont 2 650 officiers (1 050 OR), 700 canons et 120 radars. Ce n’est pas rien. Mais qu’ont-ils fait ?
Dans la préface, le général Monchal, ancien chef d’état-major de l’Armée de terre et officier d’artillerie en Algérie, écrit : « De la guerre en Algérie, tout a été déjà dit ou presque, et dans ce presque, il manquait, notamment, l’histoire d’une arme, l’artillerie ».
C’est pourquoi la Fédération Nationale de l’Artillerie a inspiré non pas un martyrologue des artilleurs, ni un récit des multiples opérations auxquelles ils ont participé, mais une histoire synthétique de l’emploi de l’arme pendant ces six ans de conflit. Elle s’attache à définir toutes les missions confiées aux artilleurs, dont la plus exigeante en effectifs est celle qui s’éloigne le plus de la mission traditionnelle de la manœuvre des feux : en 1956 la moitié des artilleurs est devenue fantassins. Ils participent donc au combat à pied et fournissent une partie des commandos de chasse, manifestant ainsi une grande capacité d’adaptation. Le quadrillage se poursuivra pendant toute la guerre, avec ses corollaires (émiettement des unités et des canons ; appui feu très localisé). Mais à partir de 1957 et 1958, l’artillerie retrouve simultanément des missions plus techniques après la création des barrages et lorsque l’importance et l’acharnement des « bandes » au combat nécessite un soutien immédiat de l’artillerie et une manœuvre souple et rapide des feux. Les opérations du plan Challe le démontreront.
L’excellent chapitre sur les barrages très précis et documenté souligne le rôle des groupes d’artillerie qui équipent les deux barrages Ouest et Est, et en particulier les batteries radar-canon qui permettent de surveiller les grands espaces semi-désertiques, avec les radars de surveillance du sol dont les échos peuvent être traités rapidement par la batterie. Ailleurs, la manœuvre des feux est associée aux radars d’acquisition de trajectoire de mortiers.
Le livre n’oublie ni l’artillerie parachutiste, ni l’Alat, fille de l’aviation d’observation de l’artillerie. Il n’omet pas de montrer toutes les difficultés provoquées par la diversité des missions, par la nécessité de former chaque année des sous-lieutenants de réserve « ayant une qualification d’infanterie au détriment de l’artillerie de campagne et surtout des FTA ». Il y avait divergence des directions d’effort sans la possibilité d’assurer à chacune d’elles les moyens souhaitables.
Pour l’inspecteur de l’arme en 1958, l’artillerie était devenue une mosaïque, mais il ne désespérait pas : « l’arme reste soudée par ses traditions appuyées sur un certain tour d’esprit des cadres, qui, à la fois techniciens et combattants, constituent encore une des forces les plus valables de l’armée française ».
C’est un peu la conclusion de ce livre honnête, qui ne cultive pas un excessif esprit de bouton : « La souplesse d’esprit de l’artillerie, sa maîtrise des techniques les plus diverses et son adaptabilité lui ont permis de relever avec détermination le défi qui lui était proposé. Elle a tenu sa place… ».
On trouvera en annexe, la liste des matériels lanceurs (artillerie sol-sol et air-sol) et des radars, la liste de toutes les unités d’artillerie présentes en Algérie de 1954 à 1962. ♦