Réflexions sur les problèmes militaires en Indochine
On a souvent affirmé que le problème d’Indochine était essentiellement d’ordre politique et qu’il n’y avait point de solution militaire possible. Si cette affirmation signifie que la force en elle-même n’a point de sens, et que son emploi n’est qu’un moyen ou même un pis-aller, on énonce un lien commun : « le dessein politique est le but, disait Clausewitz, la guerre est un moyen et un moyen sans but ne se conçoit pas ». Mais s’il s’agit de prétendre à la possibilité à bref délai d’un arrêt des hostilités, obtenu par voie de négociations, ou intervenant à la suite de mesures politiques telles que la reconnaissance et l’appui du gouvernement Bao-Daï, on nourrit des illusions dont ne tireraient profit que les partisans de notre éviction totale ; l’épreuve de force, quelque répulsion qu’on ressente à la poursuivre, n’est pas susceptible d’être interrompue car notre adversaire s’est engagé dans la lutte dès la fin de 1946 sans se ménager de terrain de repli ; de plus son action immobilisant une fraction importante de notre Armée, loin des théâtres occidentaux, contribue indirectement au maintien de la large supériorité des forces terrestres russes en Europe. Il est donc honnête de prévoir que nous aurons à résoudre, dans l’avenir prochain, les problèmes militaires qui se sont posés à nous ces dernières années en Indochine, avec cette différence toutefois, que des responsabilités croissantes seront dévolues aux troupes vietnamiennes.
De cette activité de nos armées, on ne prétend pas ici tracer un tableau complet, on voudrait seulement en éclaircir certains aspects et faire ressortir tant l’effort accompli que les résultats obtenus, dénaturés souvent par des relations superficielles ou tendancieuses qui font apparaître, à travers une imagerie d’Épinal terrifiante, les villes secouées par l’explosion des grenades, les paillottes et les bambous cachant à chaque entrée de village des guérilleros embusqués, ou les femmes annamites versant le datura dans la soupe des soldats français.
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