Géopolitique de la mer Noire : éléments d'approche
Géopolitique de la mer Noire : éléments d'approche
Qui mieux qu’un riverain de la mer Noire pour évoquer les nombreux enjeux géopolitiques que la fin de la guerre froide, l’éclatement de l’URSS et l’exploitation des richesses énergétiques ont révélés ?
Doru Cojocaru, actuellement en poste à l’ambassade de Roumanie à Paris, donne, avec cet ouvrage rédigé dans le cadre d’une recherche menée au Centre d’études diplomatiques et stratégiques (CEDS) une contribution importante au débat encore balbutiant sur la région. « Terra incognitae » sur le plan académique, l’étude de cette région charnière, tout autant carrefour entre les continents européen et asiatique que passerelle entre hommes et biens économiques est pourtant fondamentale pour qui veut comprendre les enjeux de la nouvelle guerre froide qui semble s’y jouer.
Au croisement des réalités stratégiques euro-atlantiques, la mer Noire est une mer aussi européenne « qu’otanienne », au moins depuis les adhésions conjointes et simultanées de Bucarest et de Sofia à l’Otan (2004) et au sein de l’UE (2007). S’y retrouvent la Turquie, déjà membre de l’Otan et qui rêve d’Europe et les deux candidats ukrainien et géorgien, qui ambitionnent d’intégrer l’Alliance atlantique en 2009, ramenant l’Otan sur les rives orientales de la mer, toujours plus proche de Moscou.
Cette vaste zone qui dépasse très largement le cadre des 6 États riverains (Roumanie, Ukraine, Russie, Géorgie, Turquie et Bulgarie, auxquels on a coutume d’ajouter la Moldavie) pour embrasser à la fois l’espace de l’Europe orientale et balkanique, la Méditerranée orientale et celle de l’Eurasie (Caucase, espace caspien) se caractérise par son instabilité chronique, notamment compte tenu de l’existence de conflits gelés dont l’actualité immédiate témoigne qu’ils peuvent s’embraser à tous moments.
Parmi les nombreux défis posés à la sécurité collective régionale, celui de la relation fluctuante avec la Russie, en phase de réaffirmation de sa puissance, qui demeure soucieuse d’y maintenir une force de projection navale et une stratégie économique rénovée fait figure d’enjeu fondamental.
La mer Noire offre pourtant de nombreux gages de prospérité, comme le signale l’auteur. C’est à leur recherche sur ce chemin ardu, mais pourtant indispensable, que nous invite à emprunter le diplomate roumain. Cela, afin que la région devienne véritablement et concrètement un pont entre riverains du bassin.
L’ouvrage est d’autant plus pertinent qu’il rappelle le « continuum » entre agendas européen et euro-atlantique, tout autant que les convergences entre les espaces mer Noire et mer Méditerranée, et ce, à quelques semaines d’un Sommet fondateur à Paris. Faut-il rappeler que l’on pourrait utilement s’inspirer des logiques de coopération économique et d’intégration politique qui y ont préexisté avant que l’on envisage de rassembler hommes et idées entre rives bercées par les eaux d’une même mer ? ♦