France-Amérique - Deux siècles d'histoire partagée XVIIe-XVIIIe siècles
France-Amérique - Deux siècles d'histoire partagée XVIIe-XVIIIe siècles
Connu des lecteurs de cette revue, le contrôleur général Collet se penche ici, comme l’indique le sous-titre, sur deux siècles de relations franco-américaines, le XVIIe et le XVIIIe. Cela signifie que l’illustration de couverture, emmêlant les plis de la bannière étoilée et du drapeau tricolore, évoque seulement le terme de la période considérée et ne concerne que le dernier des neuf chapitres de l’ouvrage. Avant ce déferlement historique final, où l’auteur distingue pas moins de trois révolutions, en France, dans les colonies anglaises d’Amérique du Nord et à Saint-Domingue, la majeure partie du temps fut plutôt consacrée à des rencontres généralement musclées entre la fleur de lis et l’Union Jack.
Nos amis anglais n’ont pas attendu Mackinder pour regarder vers le grand large, tout en couvrant leurs arrières par personnes interposées grâce à un savant équilibre européen. Pendant ce temps, les Français sédentaires trouvent plus d’attrait à leur lopin qu’aux « filles du Roy » ; ledit Roy place en priorité le verrouillage de sa vulnérable frontière du Nord-Est ; et le plus génial de nos philosophes trouve peu de lumières dans les arpents de neige canadiens. Là-bas, le déséquilibre démographique entre les deux origines d’immigration devient rapidement accablant et n’est pas compensé par le partage des sauvages, bons Hurons et méchants Iroquois. Malgré quelques raids audacieux, une série de succès remportés par d’intrépides marins encouragés par Choiseul, le talent et le courage d’un Montcalm… les Français sont dans l’ensemble largement dominés et les pauvres Acadiens ne peuvent éviter le « Grand Dérangement ». Au cours de la « maudite guerre de Sept Ans », William Pitt charge Frédéric II de nous tenir tête en Europe et a beau jeu de nous accabler de l’autre côté de l’Atlantique. Le « douloureux traité de Paris » voit notre éviction, en attendant que Bonaparte cède la Louisiane. Adieu Saint-Laurent, Ohio et Mississippi, nous gardons Marie-Galante et Belle-Isle-en-Mer !
La revanche viendra, sous une forme d’abord discrète avec Beaumarchais, puis officielle avec Rochambeau. Les soldats français sont présents à Yorktown et Washington, assassin de l’enseigne Jumonville, devient, selon la formule consacrée, « un grand ami de la France ».
Vivant et alerte, en même temps très documenté et précis, appuyé sur une vingtaine de pages de notes (et ne nous épargnant pas le désormais traditionnel aphorisme signé Sun Tse), ce petit livre d’histoire appelle à la réflexion. La monarchie française (y compris sous Louis XV, sans doute un des plus intelligents de nos monarques) n’a pas mesuré « l’importance du Nouveau Monde » et n’a le plus souvent réagi que poussée par la nécessité du moment. Mais nos républiques n’ont-elles pas adopté le même comportement vis-à-vis de l’outremer, laissant œuvrer des pionniers pour les lâcher ensuite, de Lang Son à Fachoda ?
Que retenir de l’épopée, dont « l’évocation ne peut laisser indifférent » ? Des « relations particulières » franco-américaines, marquées par « des alternances de désamour, d’incompréhension et de fascination mutuelle »… et l’occasion pour André Collet, revenant à, l’époque actuelle, de déverser in fine un jet de bile, sur les néo-conservateurs contemporains. ♦