La question tibétaine, qui s’alimente de lourdes différences culturelles entre les peuples Han et Tibétain, prend racine non pas dans des complots extérieurs destinés à affaiblir la Chine ou à développer des idées séparatistes, mais bien dans les erreurs commises par le parti communiste au pouvoir. Ce dernier, obsédé par les risques d’éclatement de la Chine, est porteur d’une politique de modernisation et de normalisation, incapable de s’accommoder du contraste entre les Han des plaines, commerçants agnostiques, motivés par la modernisation, et les Tibétains nomades, dont la vie se confond avec les grands espaces et la ferveur religieuse.
Libre opinion - Retour sur la question tibétaine : mensonges de la propagande
La rubrique « Libre opinion » du numéro de mai 2008 de la revue Défense nationale et sécurité collective proposait un article sur la question tibétaine, dont la teneur reprenait exclusivement les thèses du Parti communiste chinois. Quelques pays occidentaux et en premier lieu, les États-Unis, auraient saisi l’occasion des Jeux Olympiques pour faire pression sur Pékin en utilisant la question tibétaine. Les motivations de ce harcèlement, fomenté de l’extérieur, seraient essentiellement économiques et stratégiques ; quelques pays occidentaux, toujours les mêmes, cherchant à gêner la montée en puissance de la Chine et à menacer l’unité du pays. Le Parti au pouvoir, la main sur le cœur, s’étonne de telles menées, puisqu’il affirme avoir sorti le Tibet de l’obscurantisme moyenâgeux dans lequel il végétait encore en 1949.
S’il est vrai que Pékin a en partie démantelé la théocratie féodale organisée autour des temples lamaïques qui tenaient sous le boisseau une population arriérée et asservie, il est aussi un fait que le parti communiste (PC), qui a accumulé une remarquable collection d’erreurs, notamment pendant le « Grand Bond en Avant » et la « Révolution culturelle », n’a pas réussi à rallier à son projet de modernisation la majorité de la population tibétaine. Celle-ci, persécutée par des politiques brutales d’éradication de la religion et des monastères, marginalisée sur son propre sol, souffre de l’afflux des Hans, dont les modes de vie et de pensée sont à des années-lumière de ceux des grands nomades des steppes. C’est précisément ce schisme culturel qui est à l’origine des affrontements : d’un côté une population, dont la vie se confond avec les grands espaces et la ferveur religieuse (qui occupe 60 % du temps des Tibétains) ; de l’autre, le peuple Han, agriculteurs sédentaires et agnostiques, venus des terres basses de la Chine traditionnelle.
Refuser de prendre en compte l’évidence de ce choc culturel, pour n’envisager la question que sous l’angle politique du risque d’éclatement de la Chine, attisé de l’extérieur, tout en cherchant à « normaliser » à l’aune des critères chinois une province si profondément différente, c’est se condamner à maintenir indéfiniment la région sous une lourde surveillance policière, sans espoir de réconciliation. L’explication qui privilégie la théorie du complot extérieur, alors que le PC n’aurait commis aucune erreur, est donc un peu simpliste pour un sujet aussi complexe.
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