Afghanistan, Otan, Livre blanc : voilà la nouvelle trilogie de notre future défense. Rupture radicale, elle semble n’avoir d’autre fondement que la volonté de clore la dispute irakienne et de s’aligner sur la politique américaine. Encore faudrait-il expliquer pourquoi il est urgent d’adopter une pensée managériale qui mélange guerre et stratégie, et dont l’échec est une nouvelle fois patent en Orient.
Libre opinion - Le degré zéro de la pensée stratégique
A low point in strategic thinking
Afghanistan, NATO, White Paper: the new trilogy of our future defence. A radical break that seems to have no other basis than a desire to close the Iraq dispute and fall in step with American policy. An explanation is needed as to why it is urgent to adopt a managerial mindset that mixes war and strategy, and whose failure in the Middle East is once again patently obvious.
C’est devenu un classique de la presse : quoiqu’elle reste la superpuissance militaire, force est de constater que l’Amérique perd ses guerres. L’oxymore n’a pas l’air de choquer ses auteurs : un gamin de cinq ans comprend toutefois que lorsqu’on perd, on n’est pas le plus fort. Qu’à cela ne tienne : défaite sur le terrain, l’Amérique et sa conception éthérée et managériale de la guerre n’en reste pas moins le modèle auquel se rallient nos dirigeants ; au point d’envoyer des troupes dans une bataille sans issue, de réintégrer une alliance en fin de course et de dupliquer dans un Livre blanc ce fumeux concept de Transformation dont l’échec total n’est pourtant plus à démontrer.
Aventures en Afghanistan
On ne fait pas la guerre, on la gagne. L’Otan peut-elle vaincre les taliban ? Non ! L’affaire est pliée, les discours sont qu’il s’agit d’éviter de perdre. C’est ce qu’a dit le président de la République à Kaboul début 2008, c’est ce qu’il a répété trois mois plus tard lors du Sommet de Bucarest : on a connu plus mobilisateur. Si l’Afghanistan tombe, nous dit-on, le Pakistan tombera. Voilà un recyclage bien malhabile de la théorie des dominos des années 60.
Il est clair qu’aucun général occidental ne reprendra la boutade de Joffre après la Marne (1), et qu’il s’agit entre alliés de se refiler la patate chaude d’un échec pourtant prévu dès l’origine (2). Entre-temps, des raids taliban on est passé aux maquis, face auxquels la méthode de lutte contre-insurrectionnelle revient au plan Challe. Il y a déjà sur le terrain plus de 60 000 soldats euro-américains, auxquels s’ajoutent 10 000 mercenaires et une armée afghane de 35 000 hommes. L’Otan écrase la rébellion, non seulement qualitativement mais quantitativement. En pure perte. La stratégie est pourtant de continuer à mettre davantage de troupes et de moyens. Le « Surge » (3) est le seul mode de pensée des Américains qui ne savent concevoir autre chose qu’une comptabilité à la McNamara. Dans une note confidentielle du 16 octobre 2003, l’ancien secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, s’interrogeait : « Est-ce que nous tuons plus de terroristes qu’en forment les madrasas du Pakistan ? ». Quarante ans après le Viêt-nam, rien n’a changé et rien ne changera jamais dans la pensée du Pentagone. Une nation dont les escarmouches contre les Anglais avaient échoué et qui ne doit son indépendance qu’aux régiments et aux vaisseaux du roi de France, est définitivement conditionnée par l’idée que seuls les gros bataillons remportent les batailles.
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