Islam : l'avenir de la tradition, entre révolution et occidentalisation
Cet ouvrage n’est pas « qu’un livre de plus sur l’Islam », bien au contraire. Alors qu’il y a de plus en plus de spécialistes sur le sujet, l’auteur fait à juste titre remarquer que l’on connaît de moins en moins l’Islam véritable : « On est dans l’à-peu-près le plus total ». Ce livre « réexplique l’islam », et décrit le développement intellectuel, juridique et sociopolitique de la pensée musulmane depuis la naissance de l’islam jusqu’à nos jours. L’auteur démontre ainsi que l’occidentalisation signifierait la perte des valeurs de l’Islam, alors que la tradition islamique s’afficherait en tant que solution aux dérives extrémistes. L’œuvre de Charles Saint-Prot est donc une initiative très audacieuse, qui s’inscrit dès lors dans un dialogue inter-cultures indispensable.
Par le biais d’une analyse des grands courants de pensée traditionnels et réformistes, l’ouvrage est un réel effort de clarification des termes employés de nos jours à tort et à travers, tels que « Islamisme », « Salafisme », « Wahhabisme ». L’auteur présente donc une étude des grands penseurs musulmans, comme Ahmad ibn Muhammad ibn Hambal (principal penseur de la tradition) et Mohamed ibn Abd al-Wahhab (prônant le retour à l’islam des origines qui donnera plus tard naissance au mouvement moderne réformiste). La dérive des termes est due à leur usurpation par les extrémistes : certains disciples sont alors « plus royalistes que le roi » et tombent dans l’exagération, ce qui provoque des dérives sectaires extrémistes. Cela s’est produit par exemple avec le « Salafisme », créé par Mohammed Abdu et qui s’inscrit à l’origine dans l’esprit réformiste moderne du XIXe siècle. La pensée des extrémistes n’a rien à voir avec le mouvement d’origine.
Cependant, il ne faut surtout pas confondre Islam et épiphénomènes. Dire que l’Islam n’a le choix qu’entre intégrisme, extrémisme et modernité à l’occidentale est totalement faux. L’Islam extrémiste ne concerne que quelques milliers de personnes, alors que la majeure partie des musulmans adhèrent à une tradition n’ayant jamais exclu le réformisme. L’Islam réel est l’islam modéré, tolérant, celui que l’on trouve au Maroc et en Tunisie par exemple, « quand les Occidentaux ne viennent pas semer la mort et la destruction au nom de leurs propres valeurs ». L’auteur souligne que les trois quarts des pays marqués par l’extrémisme aujourd’hui, sont des pays où l’on a apporté des situations conflictuelles : l’invasion de l’Irak a semé le désordre dans le pays ; certes, avant le régime était dur, mais il n’y a avait pas les excès de maintenant.
De nos jours, pourquoi le catholicisme et le protestantisme sont-ils en déclin ? Selon l’auteur, tout simplement parce qu’ils sont en train de perdre leurs valeurs. L’Islam doit donc défendre ses valeurs traditionnelles. On peut être attaché à ses valeurs sans évoluer vers l’extrémisme, et chaque religion doit évoluer à son rythme pour le bien de la société considérée : « À chacun de trouver sa voie propre conformément à ses valeurs ». L’auteur prend l’exemple de la laïcité : elle est « inscrite dans les gènes français » car depuis le Ve siècle les rois de France ont lutté contre la papauté. La laïcité est devenue une des valeurs occidentales, mais comme le dit très justement l’auteur, au nom de quoi les Occidentaux viennent-ils l’imposer dans les pays où il n’y a jamais eu de problèmes avec le pouvoir religieux ? Dans le monde d’aujourd’hui où « l’homme n’a plus aucune place », la religion devient un véritable enjeu pour sauver la valeur de la dignité humaine. L’Islam doit donc défendre ses valeurs et son identité, mais également agir en intelligence avec la modernité. ♦