Comme le reconnaissait en mars dernier un ancien Premier ministre dans un quotidien du matin, « le renseignement est l’un des investissements les plus rentables de l’État. Il est l’une des fonctions fondamentales de la sécurité nationale de tout État de droit et constitue une condition nécessaire à la prospérité du pays ». Pour autant, l’organisation nationale de notre pays, n’ayant que peu évolué depuis près de trente ans, pouvait inspirer des interrogations quant à son aptitude collective et sa légitimité globale. Il n’est donc guère surprenant qu’après la réforme de la défense introduite par le Livre blanc sur la défense de 1994, le Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale, adopté il y a quelques mois, annonce une réforme de l’organisation du renseignement français.
La réforme du renseignement
On sait, depuis de nombreuses années, que le renseignement français appartient malgré lui à l’« exception culturelle » chère à ce pays. Comme l’a analysé avec pertinence l’amiral Pierre Lacoste, ancien directeur général de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), et plusieurs experts (1), la « culture française du renseignement » a longtemps pesé sur ce pays pour faire de ce domaine un champ marqué par la politisation, la défiance des autorités et les scandales, de l’Affaire Dreyfus au Rainbow Warrior. Les annonces faites en juin 2008 par le président de la République Nicolas Sarkozy lors de la présentation du nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (2) marquent à cet égard une rupture et viennent confirmer un changement d’état d’esprit, qui conduisait récemment l’ancien Premier ministre Michel Rocard, à indiquer que « le renseignement est l’un des investissements les plus rentables de l’État. Il est l’une des fonctions fondamentales de la sécurité nationale de tout État de droit et constitue une condition nécessaire à la prospérité du pays » (3).
Une communauté primitive
Bien que depuis des années, quelques personnalités aient souligné l’attention à accorder à cette « arme au sens le plus noble du terme » (4), la France se distinguait encore il y a peu comme un des pays qui n’avaient pas accompli la réforme permettant de disposer de services de renseignement et de sécurité efficaces, mais aussi compatibles avec les exigences modernes de la démocratie. Un observateur extérieur, avisé et critique, du paysage français aurait ainsi pu établir le diagnostic suivant : la notion même de communauté n’était pas reconnue ; les services, dispersés, demeuraient, pour l’essentiel, marqués par leur origine au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ; aucun mécanisme formel de pilotage de leur activité n’existait ; aucune loi n’encadrait leur activité ; le Parlement était absent de leur contrôle.
Cette situation relevait sans doute de l’« oubli freudien » dans un pays plus attentif à son rang qu’à la poursuite pragmatique de ses intérêts. Elle n’avait pas empêché les dirigeants français d’engager, au lendemain de la première guerre du Golfe, l’effort financier qui permit notamment le renouvellement des moyens de recherche technique, la mise en place de la Direction du renseignement militaire (DRM) ou la professionnalisation des cadres du renseignement extérieur. Toutefois, à la différence de beaucoup de démocraties occidentales (5), le double choc conjugué des attentats du 11 septembre 2001 à New York et du 23 mars 2004 à Madrid n’avait pas suffi pour inciter les responsables français à moderniser la communauté.
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