L’observation du monde réel, le constat de nos difficultés à son contact, conduisent à une conclusion simple : nous devons revenir à l’ordre de l’esprit. Ainsi, nous sommes parvenus au point culminant de l’efficacité de notre puissance militaire et nous éprouvons désormais de vraies difficultés à lui faire produire de l’efficacité politique. Il nous faut donc redonner de la vigueur à notre pensée stratégique, parce que seule la pensée nous permettra de sortir des impasses dans lesquelles nous nous trouvons, de redonner toute son utilité à la force dans la résolution globale des crises : il nous faut restaurer la passion de la réflexion stratégique en France et les outils de son renforcement.
Revenir à l'ordre de l'esprit
Getting our thinking straight
The harsh reality of the world and the difficulties we have in dealing with it drive us to one simple conclusion: we have to get out thinking straight. We have reached the limits of the technical effectiveness of our military power, and now have great difficulty in getting it to produce the desired political results. So we must reinvigorate our strategic thinking, because only reflection will allow us to escape the impasse we are in, and restore its utility to armed force in global crisis resolution. And we must renew the vigour of strategic reflection in France, together with the tools for enhancing it.
La planète tourne de plus en plus vite. Le temps n’est plus au recul, à la mise en perspective, à la relativisation. Les retours sur investissement doivent être immédiats, tandis que les démocraties occidentales perdent, dans le rythme haletant de leurs élections, cette puissance que leur conférait hier la profondeur de leur culture et de leur vision globale. L’autorité y perd sa liberté d’action. Courant toujours plus vite vers le besoin de solution, elle délaisse souvent la politique pour la communication et privilégie, par obligation, les recettes immédiates de la gestion à la stratégie qui suppose, elle, sérénité et temps long.
Le cas de nos grands engagements militaires est emblématique de ces difficultés nouvelles. Notre capacité d’hier à imposer au monde reposait pour une part certaine sur notre puissance militaire. Las ! Celle-ci, malgré les efforts financiers considérables qu’on lui consacre, semble être parvenue au bout de son efficacité technique et ne plus rendre aujourd’hui les services que l’on en attendait hier. Pourtant, la réalité du monde s’impose, quel que soit le mépris que lui opposent trop souvent nos démocraties de l’Ouest européen depuis longtemps bien épargnées par la violence du monde. La guerre est la réalité de la vie des hommes ; le nier n’y change rien. Nous sommes entrés dans un temps de conflits et d’engagements permanents.
Cependant, tant que nous n’aurons pas su redonner toute son utilité à la force militaire, il nous faudra, au mieux, chercher à prévenir les crises. L’intelligence et l’anticipation jouent ici un rôle majeur ; mais nous ne serons jamais en mesure d’éviter totalement l’intervention extérieure. D’ailleurs, l’ériger en principe serait particulièrement dangereux. Il convient donc de consolider les moyens de l’action, mais plus encore, devant la difficulté de nos engagements militaires, de redonner toute sa vigueur à la réflexion stratégique, trop délaissée en France aujourd’hui, et de la doter de moyens à la hauteur de son importance réaffirmée.
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