De tous les enseignements légués par Clausewitz, la « merveilleuse trinité » est aujourd’hui la plus souvent contestée, car elle semble à beaucoup strictement réservée aux guerres interétatiques. Loin d’avoir perdu de sa pertinence, cette habile dissection de la mécanique des conflits peut, à condition de lui reconnaître son ampleur conceptuelle, permettre une lecture aussi utile que valide des guerres actuelles.
Éternelle guerre trinitaire
C’est une petite musique, d’ailleurs nullement désagréable ni dépourvue d’intérêt, qu’on entend de façon de plus en plus insistante depuis, disons, la fin de la guerre froide. Hélas, comme tout genre musical « nouveau », il devient suspect lorsqu’il se met à prétendre haut et fort son absolue supériorité et, partant, l’obsolescence de tous ceux qui l’ont précédé…
En l’occurrence, il s’agit de s’attaquer, tentation suprême à laquelle tous les théoriciens peuvent vouloir céder, à cette statue du Commandeur qu’est Clausewitz pour démontrer que certains pans de sa pensée sont datés voire inopérants. Le paradigme aurait changé rendant, de fait, certains de ses enseignements contre-productifs dans le nouveau climat dominant (1).
Axe principal d’effort des contempteurs du maître prussien : l’inanité du concept de guerre trinitaire, qui décrypte la dynamique des parties en conflit à travers l’existence et les interactions animant les trois pôles que sont la population, l’armée et le gouvernement, alors que les guerres d’aujourd’hui se mènent essentiellement contre des entités guerrières non étatiques. Or, s’il est un fait incontestable que les confrontations entre États sont devenues l’exception et que la règle est désormais aux affrontements contre des mouvements qui ne disposent pas des structures propres aux États tels que nous les connaissons, passer pour cela la « merveilleuse trinité » par pertes et profits c’est sans doute aller un peu vite en besogne.
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