Ah ! Qu’il nous plaît ce rêve que le président américain ne cesse de célébrer depuis ses premiers discours de campagne ! Qu’elle est réconfortante cette idée que les vieilles recettes, qui ont fait son succès durant deux siècles, vont de nouveau permettre à l’Amérique de rebondir ! Mais qu’il est régressif et infantilisant ce repli vers une pastorale sublimée, qui serait détachée des contingences de l’histoire et repousserait les agressions d’un monde tragique ! Mais n’est-ce pas cela qui nous attire dans cette Amérique de l’éternelle adolescence ?
L'Amérique hors du monde
« On l’attendait à la porte du garage », comme chanta jadis Charles Trénet, et il parut dans sa superbe auto… Ce fut le retour de l’Amérique prodigue : une bien belle cérémonie d’investiture, et une prestation de serment émouvante, jusque dans le cafouillage au moment de prononcer la formule sacramentelle. Et puis après il y eut un discours, que n’importe qui aurait pu écrire en faisant du copié-collé de tout ce qu’avait déjà dit le président Barack Obama depuis dix-huit mois. Qu’importe : pour tous ceux qui ne purent supporter durant huit longues années qu’un imposteur texan leur vole leur rêve américain, l’essentiel n’était pas dans les mots mais dans le symbole.
Quel âge ont les Séguéla, les Labro, les Bacharan et même les Royal, pour régresser au point de nous avoir infligé ces dernières semaines leurs rédactions de rentrée des classes : « En Amérique il y a des maisons qui montent très haut, et les Américains sont tellement forts qu’ils gagnent toutes les guerres, et n’importe quel pauvre peut devenir riche en inventant des inventions et en construisant des constructions, etc., etc. » ? Pourtant, dès la fin des cérémonies, les mêmes se répandirent en avertissements : nous ne sommes pas dupes, nous savons bien que tout cela n’est qu’un rêve, et que le président américain ne pourra pas le réaliser. Ça tombe bien, Barack Obama n’a rien promis. Il a juste cultivé ce côté christique et sacrificiel de l’homme qui fait don de sa personne à l’Amérique pour atténuer son malheur. Il sait qu’il entre déjà dans l’histoire : soit il réussit, et sa tête sera ajoutée au Mont Rushmore, soit il échoue et il sera celui qui aura tout tenté. L’ont-ils seulement écouté, ceux qui n’attachent à ses paroles qu’une importance finalement toute relative ?
Le président de la peur américaine
Le problème des Européens est que les discours des hommes politiques américains, et tout particulièrement ceux du candidat puis président Barack Obama, sont codés, ou plutôt qu’ils visent des images neuronales typiquement américaines. Et que, ce qui est plus grave, nous refusons de voir qu’ils sont codés. Il est vrai que rien de la culture américaine ne nous échappe ; elle est universelle en ce sens qu’elle nous est transparente. Sauf que nous croyons depuis deux siècles avoir le même logiciel et les mêmes références. Résultat : nous n’entendons rien, ne comprenons rien, et élevons nous-mêmes le gibet de notre désillusion à venir.
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