Le commerce moderne des armes en Afrique - Données chiffrées, circuits et acteurs
Le commerce moderne des armes en Afrique - Données chiffrées, circuits et acteurs
Dans la foulée de la Conférence des Nations unies chargée d’examiner les progrès accomplis dans l’exécution du Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères, peut-être est-il temps de se poser les bonnes questions. C’est ce que fait, fort à propos, cet ouvrage rédigé par le chercheur franco-guinéen Mamadou Aliou Barry, qui préside aux destinées du Forum mondial de la Paix, lequel préfigure la création d’un centre d’études stratégiques transnational, lacune en Afrique de l’Ouest.
Le prédécesseur de Ban Ki-Moon, le Ghanéen Kofi Annan n’hésitait pas à comparer les armes légères de petit calibre (ALPC, désignant toute arme qui peut être transportée et utilisée par un individu) à des armes de destruction massive. L’ONU a ainsi retenu la date du 9 juillet comme journée internationale de la destruction d’armes légères ; pourtant aucun protocole international de non-prolifération n’est à l’ordre du jour.
Tout juste peut-on se féliciter de l’adoption – au mois de juin 2007 – sous l’égide de la Communauté économique et de développement des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) d’une convention visant à l’interdiction d’importer et d’exporter ces armes dans 48 pays concernés, où leur prolifération a nourri bien des conflits et guerres civiles endémiques sur le continent africain.
L’UE a également pris conscience de la dangerosité de cette prolifération « asymétrique ». Elle a ainsi adopté en 2001, le programme « Tout sauf les armes » et consacre 100 millions d’euros pour enrayer ce fléau, qui s’accompagne dans nombre de cas d’un engrenage chronique de la violence, de la déliquescence des États et des institutions publiques et se combine, dans la plupart des cas, avec les trafics de drogue, la captation des richesses minières et pétrolières.
Comme le rappelle le préfacier de l’ouvrage, le général (CR) Henri Paris, il n’est nullement étonnant que ce phénomène de proliférations des ALPC s’accompagne aussi d’un renouveau du marché du mercenariat, dont le principal vecteur d’expression reste l’AK-47, arme la plus répandue sur toutes les latitudes des théâtres de crises africains.
Chaque année, ce sont ainsi 8 millions d’armes qui arrivent sur le marché, venant grossir les 640 millions en circulation. Le marché des armes à feu ne représentant que 2,8 Md€ fait cependant figure de broutille par rapport au commerce des armes lourdes. Ce chiffre cache, aussi, celui plus déterminant des munitions, 4,6 Md€. D’autant que les principaux États producteurs (parmi lesquels les États-Unis, l’Italie, le Brésil, l’Allemagne…) font l’impasse sur les munitions en ayant rangé dans le même panier tous les explosifs.
L’on risque ainsi de renouveler l’acte manqué de la Convention d’Ottawa de 1997, ayant abouti à l’interdiction des mines antipersonnel, sans avoir cherché à se préoccuper des sous-munitions, encore produites en toute liberté. L’on est ainsi en droit de se demander si la mobilisation sur les « arbalètes » ne viserait pas à se donner bonne conscience à peu de frais.
L’auteur et son préfacier ont ainsi parfaitement raison de nous rappeler que l’arme la plus meurtrière reste, en Afrique, la machette, comme l’ont prouvé les génocides rwandais de 1994 et les crises au Kenya et en Zimbabwe.
Bien des questions soulevées par cet ouvrage demeurent néanmoins. Si une convention venait à se mettre en place, encore faudrait-il pouvoir punir les tricheurs. Mais comment ? On sait bien que 80 % des armes illégales qui arment pourtant encore comme si de rien n’était États voyous, criminalité organisée, trafiquants de drogues et mouvements terroristes, proviennent d’un commerce légal.
On sait aussi que rien n’oblige, par ailleurs, les gouvernements à tenir des registres spécifiant la localisation des armes à feu, celles qui équipent pour près de 40 % des armes en circulation, forces armées et police.
L’enfer serait-il ainsi pavé de bonnes intentions au point qu’à force de s’attaquer ostensiblement à l’arbre on en oublie volontairement la forêt, autrement plus difficile à abattre ? ♦