Dans les relations internationales, les critères de la puissance sont habituellement présentés comme le nombre, la masse, la surface, l’économie, les alliances diplomatiques, l’outil militaire, etc. Au-delà de cet inventaire des voies et moyens, l’essentiel se situe pourtant davantage dans le sens accordé à l’identité et à la volonté. Il ne s’agit pas de proposer un ordonnancement corrigé, mais plutôt d’appeler l’attention sur la relativité des facteurs traditionnels. Il ne suffit pas de déterminer des capacités, de dessiner un cadre ou d’esquisser un format ; la puissance repose davantage sur une ambition rénovée et une finalité partagée : à côté d’une entité organisée et armée, doit préexister une volonté, toujours partagée, une communauté de destins.
Les récentes réflexions sur la défense de la France illustrent cette affirmation ; au-delà de la seule dotation de structures et d’outils de mise en œuvre pertinents, elle doit aussi, et peut-être avant tout, s’appuyer sur une identité partagée et la volonté de faire ensemble, pour ne pas être qu’un réservoir de capacités mais une puissance durable et consolidée.
Strenght, power and energy: in search of a new order
In international relations, the criteria of power are customarily presented as a question of numbers, mass, surface area, economy, diplomatic alliances, military might and so on. However, beyond this inventory of ways and means, the essential element is to be found in the meaning accorded to identity and purpose. This is not to propose a corrected version of the inventory, rather to draw attention to the relativity of traditional factors. To gauge capabilities it is not enough to draw up a framework or sketch a format: power lies more in renewed ambition and shared aims: alongside an organised and armed entity, there must already exist a shared sense of purpose, directed to a common destiny.
This assertion is illustrated by recent reflections on defence in France: more than just a matter of having the organisations and equipment for the relevant activity, defence must also, and perhaps above all, be based on a shared identity and a will to work together, if it is to be a durable and consolidated power rather than just a reservoir of capabilities.
À la fois accélérateur d’évolutions et générateur d’incertitudes, les réflexions et travaux récents sur la défense, pas seulement comme un outil mais comme un concept, conduisent à s’interroger sur le paradigme de « puissance ».
Cette notion de puissance est au cœur des relations internationales. À partir du recensement des capacités, des ressources et des moyens, elle participe à la définition et à l’ordonnancement des acteurs internationaux et des souverainetés : la puissance demeure la condition impérative pour exister, être reconnu et peser sur la scène internationale. Pour autant, ce concept est peu explicité (1) ; sa caractérisation est trop souvent orientée vers les référents classiques de nombre, de masse ou de surface, alors que la puissance révèle davantage que la seule quantité ou la seule force. Elle ne peut pas non plus être expliquée par un facteur unique et repose, en fait, sur une cristallisation de critères déterminants. Sa définition courante est essentiellement orientée vers un inventaire de causalités, alors qu’elle pourrait être davantage appréhendée de manière transverse. Dans cette perspective, les paramètres les moins traditionnels et les plus immatériels paraissent de plus en plus prégnants, reconnaissant ainsi à Thucydide toute sa clairvoyance : « Ce qui fait la force des cités, ce ne sont pas les murailles, mais la volonté des citoyens ».
Ce constat est valable pour la France et sa défense : au-delà des manifestations matérielles, doivent émerger et gouverner une identité et une énergie. Cette approche miroite parfaitement avec les notions physiques de force, de travail d’une force, de puissance et d’énergie. Ainsi, dans une démarche prospective, peut être avancée l’effritement des critères classiques et, parallèlement, mis en évidence des centres de gravité renouvelés, singulièrement dans le monde complexe et volatil qui est aujourd’hui le nôtre.
L’effritement de la force
Puissance et mosaïque
Influence et Soft power
La quête de l’énergie
La connaissance et les normes
La mémoire et l’identité